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Romans de Lise Marcy

24 décembre 2019

Romance de Noël

Aujourd’hui c’est le 24 décembre. N’ayant ni enfant, ni petit-ami, il est vrai que je suis encore jeune, je le passe chez mes parents qui vivent dans un petit village toulousain. J’ai 22 ans et le bilan de ma courte vie n’est pas brillant. Je suis en M2 architecture, ça c’est pas mal certes, mais je n’ai encore rencontré aucun mec sérieux qui a pu faire vibrer mon coeur. 

  • Joëlle, ma chérie, tu peux aller ouvrir ? C’est sans doute le facteur. 

Je trouve ma mère gonflée de m’appeler alors qu’elle est dans la cuisine juste à côté de la porte d’entrée. 

J’y vais en marchant lentement, légèrement agacée. En ouvrant la porte, je hurle sur le pauvre homme : 

  • C’est pourquoi ?

Je pose ainsi mon regard sur lui et ses yeux verts me transpercent littéralement. Je suis fascinée. 

  • Bonjour, je fais ce pourquoi je suis payé. Distribuer le courrier. 

Je reste sans voix. Il est en colère, c’est certain. 

  • Pas étonnant que certains facteurs préfèrent laisser des récépissés dans les boîtes. Je commence à comprendre leur appétence pas si naturelle finalement à le faire. 

Je me sens bête tout d’un coup. 

  • Excusez-moi. Je n’aurais pas dû vous parler de la sorte. 
  • Voilà une lettre recommandée. Il me faudrait une signature, s’il vous plaît. 

Je tente un sourire pour détendre l’atmosphère. Il ne me le rend pas. Lorsque j’ai signé, il se contente de me saluer poliment et s’en va. 

  • C’était Monsieur Lopez ? 

Ma maman me surprend. Je sursaute. 

  • Non, c’était un jeune homme. 
  • Nous avons reçu un recommandé ? 
  • Oui, maman. 
  • Ça ne va pas ? 
  • Si, mens-je. 

Je suis quelque peu déboussolée par la froideur dont le facteur a fait preuve. Il était tout de même poli. Enfin, n’était-ce pas mérité ? Oh que si ! D’habitude, c’est Monsieur Lopez qui nous distribue le courrier. Il n’aurait pas mérité que je lui parle de cette manière non plus. Notre facteur est très gentil. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je m’en veux. 

Concernant le jeune homme, je me suis excusée. Il n’y a rien à ajouter. 

Noël avec mes parents se passent à merveille. Toute la semaine, je vois le jeune facteur glisser le courrier dans la boîte sans qu’il ne sonne. Tant mieux. Mon attitude a gâché toute discussion cordiale possible entre nous. Monsieur Lopez a-t-il pris des vacances ? Ou sa retraite ? Je ne sais pas quel âge il peut avoir... Le jeune est-il le nouveau facteur de mes parents ? Nous sommes partis sur un mauvais pied dans ce cas ! 

Quelle plaie ! Pour une fois qu’un mec n’était pas trop mal. Tant pis pour toi. De toute façon, Paris/Toulouse, ça aurait fait loin. Une telle relation, n´est pas envisageable. De toute façon, j’attends de rencontrer le futur médecin... 


Le 31 arrive trop vite à mon goût. Je me prépare pour rejoindre mes potes que je n’ai pas vus depuis des mois. Nous avons décidé de fêter le nouvel an ensemble. Julie a créé un groupe whatsapp pour préparer notre soirée au mieux. Nous serons une petite dizaine. Je connais tout le monde sauf un de ses amis qui est en médecine avec elle. Elle est certaine qu’il me plaira. Mais elle a refusé de me montrer la moindre photo de lui. Je sais juste qu’ils se connaissent depuis la première année, mais qu’ils viennent juste d’apprendre qu’ils étaient tous deux d’ici. Ils sont devenus potes récemment. Elle veut absolument nous le présenter. Il est un des meilleurs, si ce n’est le meilleur de la promo, d’après les dires de Julie. Ce qui est loin d’être mon cas. Pour autant, j’arrive à réussir chaque année, c’est tout ce qui m’importe... 

En tout cas, en ce qui concerne Guillaume, le futur médecin, il a l’air sympa du peu que j’ai lu. Il n’a pas de photo de lui en avatar whatsapp. Enfin, je flaire le coup foireux... Si ça se trouve, le mec est moche avec des boutons ou gros avec des lunettes. En soi, s’il est costaud, 

ce n’est pas hyper grave. Moche à mon goût par contre... 


Après ma douche, je passe un jean bleu et un chemisier blanc. Mon gilet bleu et blanc se marie bien avec l’ensemble. 

Je prends mon manteau et me voilà partie. Deux kilomètres plus tard, je me gare chez les parents de ma meilleure amie. Elle étudie à Amiens. 

Moi à Paris. Nous pourrions nous voir plus souvent, mais financièrement ce n’est pas toujours évident. 

J’arrive en premier. Je l’aide à tout installer. Ses parents sont partis en croisière et nous ont laissé la maison. C’est trop top. Les invités arrivent peu à peu. Ça sonne. 

  • Joelle, peux-tu aller ouvrir, s’il te plaît ? 
  • Ok. 

J’ouvre et surprise. Mon jeune facteur apparaît devant moi. Je suis abasourdie. Je comprends rapidement qu’il d’agit du fameux étudiant en médecine. L’atmosphère s’est glacée quand il m’a vue. Je suis dans la  MERDE. 

  • Vous distribuez même des recommandés le soir, tentais-je. 
  • Ah ah ! Elle a de l’humour, la hargneuse ! 

Bon ok, il n’a pas été emballé par ma blague. 

  • Vas-y entre, Guillaume, j’imagine. 
  • C’est cela. 

Un sourire forcé, il me pousse gentiment pour entrer. Inutile d’être Einstein pour comprendre qu’il n’a pas envie de s’éterniser avec moi. 

Il salut tout le monde et s’installe. Julie, ma meilleure amie, lui fait la bise. 

  • Voici ma copine Jo. 

Il semble déçu. El’e a dû lui parler de moi... 

  • Je l’ai déjà rencontrée. 

Son ton est toujours aussi froid. 

  • Ah bon ? 

Tous nos amis se retournent. Ils n’ont pas loupé la tension dans sa voix. Je me dois de me justifier la première. Peut-être comprendra-t-il enfin ? 

  • Oui. Il est facteur à ses heures perdues.  Un jour, il a sonné chez moi et je n’ai pas été agréable. J’ai beau m’être excusée, ton cher ami semble rancunier. 
  • À mes heures perdues ? Tu t’entends parler ? Tu étais aussi détestable que tu ne l’es ce soir. 
  • Là, c’est toi qui l’est, répons-je instantanément. 

Tout le monde nous regarde. Ils semblent amusés. En tout cas, je ne me laisserai pas insulter. Il est évident que ce n’est pas cette nuit, que je trouverai un mec. Une voile sombre intérieur m’attriste. 

Même Julie nous scrutent d’une drôle de manière. 

La soirée commence. Guillaume et moi restons chacun dans son coin. Il est agréable avec tous les autres et se fait même draguer ouvertement par Samia, une de nos potes. Elle a toujours les mecs qu’elle convoite. Sa peau mate, ses lèvres pulpeuses et ses gros seins y jouent pour quelque chose. Son maquillage trop prononcé doit plaire aussi... Je suis à l’opposée. Plutôt fade... Je soupire. Lui ne repartira probablement pas seul. Guillaume pose enfin ses yeux sur moi. Une micro seconde avant de les détourner à nouveau. Je m’assoie à une table et boude. Quelle super soirée ! 

  • Viens avec moi, me chuchote Julie. 

Elle m’entraîne dans sa chambre. 

  • Je crois que tu lui plais malgré le fait qu’il t’en veuille encore. 
  • Pourquoi m’en veut-il encore ? 
  • J’ai rapidement discuté avec lui avant que Samia ne jette son dévolu sur lui. Tu dois savoir que  ça aurait pu être son père à la porte. 
  • Et pourquoi donc ? 
  • Son père, c’est ton facteur idiote !

Je souris à ce petit nom bien choisi me concernant. C’était logique et je ne suis vraiment qu’une idiote !  

  • Monsieur Lopez ? 
  • Oui. En fait, son père est fatigué, mais il n’avait plus de vacances. Alors, Guillaume a proposé de le replacer pendant ses 15 jours de vacances afin qu’il puisse se reposer. Il lui donnera tout son salaire, bien évidemment. 

Ce mec est un altruiste ! C’est un saint ! 

  • Tu es sérieuse ? 

Elle acquiesce. 

  • C’est vraiment formidable de faire une telle chose pour son père. 
  • C’est un gars extra. Il a eu l’impression que tu le méprisais, je pense. 
  • Cela n’avait rien à voir. 
  • Il n’en démord pas. 
  • Je vais essayer de lui expliquer. 

Julie me sourit avec tendresse. 

  • N’abandonne pas ! C’est avec toi qu’il doit repartir, pas avec Samia ! 

Je redescends et me plante devant lui. Samia pose un regard tueur sur moi. Je détourne la tête avec assurance et demande à Guillaume de me suivre. Bizarrement, il ne se fait pas prier. Nous voilà dans la chambre de ma meilleure amie. 

Il attend debout devant le lit. 

  • Nous avons vraiment quelque chose à nous dire ? me demande-t-il. 

Son regard a pris une nouvelle teinte. 

  • Toujours aussi agréable avec moi !

Il se tait et attend que je commence. Je réfléchis à toute vitesse. 

  • Je voulais simplement clarifier la situation entre nous. 

Je ne m’aurais jamais cru capable de cela. Je prends mon courage à deux mains et j’y vais. 

  • Cela n’avait rien à voir avec le fait que tu sois facteur. Ma mère m’a demandé d’aller ouvrir et j’avoue que sur le coup, ça m’a saoulée alors j’ai été condescendante, mais cela aurait pu être n’importe qui. Ça m’aurait embêtée que ça tombe sur le facteur de mes parents que je connais depuis ma naissance. Je m’en excuse encore une fois. Tu faisais ton travail et j’aurais dû réagir autrement. 
  • Pourquoi avais-tu besoin de te justifier ? Ça t’apporte quoi ? 

Je rougis. Autant jouer carte sur table. 

  • Parce que quand j’ai posé les yeux sur toi la première fois, tu m’as plu. 

Une lueur apparait dans ses yeux. Apparemment, je ne lui suis pas totalement indifférente. 

  • Ok, j’accepte tes excuses. On peut redescendre ? 
  • C’est tout ? 
  • Oui, qu’espérais-tu ? Que je te saute dans les bras ? 
  • Euhhh non, je laisse la place à Samia, finis-je défaitiste. 

Il ne répond pas. Je suis déçue. Il va la retrouver et me narguer pour se venger ? 

Il est jovial, discute avec tout le monde et Samia qui ne le quitte pas d’une semelle. Je suis carrément dégoutée. 

Tout le monde a ramené un quelque chose que nous dégustons, tous ensemble. On dîne à la bonne franquette, je finis par réussir à me rapprocher de lui. Julie a occupé Samia pour que je puisse m’installer prés de Guillaume qui n’a d’autre choix que de me parler. On en apprend un peu l’un sur l’autre. Je suis assise à côté lui. 

  • Dernière année d’architecture ? 
  • Oui en juillet, je serai diplômée. 
  • Moi je n’en suis qu’à ma 5ème année. 
  • Tu comptes te spécialiser ? 
  • En effet. Je souhaite me spécialiser en gynécologie. 
  • Vraiment ? Ça t’est venu comme ça ? 

Attention à sa susceptibilité. 

  • Je veux dire comment un homme en vient à choisir la gynécologie. Je suis intriguée. 

Il ne s’en formalise pas. Ouf 

  • J’aime les femmes, alors autant m’occuper de leur corps. 
  • Corps, corps... me moqué-je. 

Il explose de rire. Il est trop beau. 

  • si tu veux tout savoir, je pourrai faire naitre mon enfant en obstétrique. À défaut de porter mon bébé, je le mettrai au monde. Et donner la vie à des petits êtres humains, ça me botte vraiment. 

Sa phrase est belle et touchante. 

  • Ce n’est pas faux... 

Samia me foudroie du regard. Elle m’en veut il n’y a aucun doute. Il est en bord de canapé et moi à côté. Il a les bras sur le dossier, elle n’a aucune chance... 


À minuit, on se souhaite tous une excellente année. On se retrouve éloigné, Samia en profite pour un rapprochement. Je crois que je vais lâcher l’affaire. Je m’éloigne et sors prendre un peu l’air. Même pas une minute plus tard, il me rejoint dehors. Je suis stupéfaite. Je ne bouge pas, la bouche ouverte comme un carpe. La neige commence à tomber à ce moment-là. Fort heureusement, j’ai mis mon manteau et mon bonnet. Guillaume a fait de même. Il s’approche de moi et m’embrasse sur la bouche. Un baiser tendre et simple. Mon ventre explose de joie. Malgré le froid, une chaleur vient m’irradier le corps tout entier. Guillaume me repousse et me sourit. 

  • Bonne année Joëlle ! 
  • Bonne année Guillaume. Dois-je en déduire que... 
  • Samia ne me plaît pas ? 
  • Cela ne me regarde pas ! 
  • Menteuse. Nous sommes sous le Gui. 
  • Ah... Oui, c’est à ça que je faisais référence. 
  • Je me disais aussi, se moque-t-il. 

Je baisse la tête. Il me la relève pour que je le regarde dans les yeux. 

  • Je plaisantais. Même sans le gui, je t’aurais embrassé ! On connait nos numéros respectifs, on verra bien où ça nous mènera. 
  • Ça me va. Donc pour Samia... 
  • Je croyais que ça ne te regardait pas ? 
  • Arrête de te moquer de moi, s’il te plaît ! 

Il m’embrasse une nouvelle fois avant de reprendre la parole. 

  • D’accord. Tu es la seule de la soirée qui me fait de l’effet... C’est bon ? 

J’acquiesce de la tête. Il m’embrasse à nouveau plus longuement. C’est si bon ! J’ai des papillons dans le ventre comme dans les livres. Je frissonne. Il croit que cela est dû au froid. 

  • Rentrons avant que tu ne tombes malade. 

Mon sang boue. Il n’y a aucun chance que cela n’arrive. Je garde cette réflexion pour moi. 

Nous rentrons à la fête, main dans la main. Tout le monde applaudit sauf Samia qui je le pense n’est plus une amie. Nous ne nous quittons plus au grand DAM de Samia. Je passe même ma nuit et toutes les autres de nos vacances avec mon facteur favori. Nous rencontrons nos parents respectifs. Monsieur et Madame Lopez sont de très charmantes personnes. Pas étonnant que leur fils soit aussi serviable. Il cherche toujours à aider son prochain. Il a bien choisi sa voie. Nous n’avons plus reparlé de notre rencontre houleuse. 

Le 5 janvier, il me ramène chez moi en voiture et reprend la route pour Amiens. J’ai l’assurance que nous continuerons à nous fréquenter. Que notre relation dure ou pas, c’est ma plus belle histoire d’amour et elle s’est nouée pendant mes vacances de Noël. 


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25 octobre 2019

Amendez-moi !

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— Je te promets que ce n’est pas ma faute, Nat.

— C’est toujours la même chose avec toi ! Tu as toujours une bonne raison. Mais putain, tu as 25 ans, quand est-ce que tu vas grandir et enfin devenir une adulte ?

Elle soupire. Sa voix a beau être faible, quand elle hurle, c’est désagréable. Je me sens nulle, rabaissée. Je ne suis qu’une abrutie ambulante...

— Je me dépêche.

— On vous attend.

Elle me raccroche au nez.

Je suis en retard, Natalie, ma grande sœur, m’en veut pour ne pas changer. Depuis ma naissance, je suis une déception pour ma famille. C’est limite si je n’aurais pas dû naitre. Ce sentiment ne me quitte jamais depuis mon enfance. Je sens la tristesse m’envahir à nouveau. Sans oublier que je ne tombe que sur des mecs chelous et...

Un klaxon me sort de ma torpeur. Oh putain, il ne manquait plus que ça !

L’homme à moto me fait de grands gestes pour que je m’arrête.

Je me gare sur le bas-côté.

— Mademoiselle, vous rouliez...

Je suis dégoutée.

— Écoutez Monsieur l’agent, je reconnais tout ce que vous avez à me reprocher, mettez-le-moi rapide !

Ses yeux bleus prennent une teinte différente et son regard devient plus doux.

— Je ne vous connais pas. Je vais me contenter de vous l’écrire si vous le permettez !

Il sourit. Je suis stupide, mais je ne comprends pas ce qu’il a dit. Il s’en rend compte à sa réplique cinglante.

— Excusez-moi, je ne savais pas que vous étiez blonde !

— Ah ah, très drôle. Ça vole haut dans la police.

Je suis clairement en colère.

— Je plaisantais. Je parlais du PV, je ne vais pas vous le mettre. Je me contenterai de vous l’écrire.

Ça fait tilt et je comprends. Je rougis. En aucun cas, mes paroles avaient une connotation sexuelle.

— Ah les hommes tous des pervers à ce que je vois !

Il relève un sourcil.

— Dans le genre cliché, on est maintenant à égalité, vous ne croyez pas ? Répliqué-je.

Il explose de rire.

J’observe ma montre. Je pose mes deux mains sur mon visage.

— Je suis déjà si en retard ! Si vous pouviez me l’écrire rapidement, s’il vous plaît !

— Et où allez-vous pour mettre votre vie ainsi en danger ?

— Je roulais à quoi 60 au lieu de 50 ? Je ne suis pas non plus un dangereux criminel !

— Non, mais la vitesse plus le téléphone, vous auriez pu percuter un piéton ou autre et là ça compte.

— Je suis désolée. Je vais chercher ma nièce à l’école et tout le monde me déteste, car je suis en retard.

— Vous n’exagérez pas un peu la situation ?

— Oh non ! soupiré-je.

— Papiers du véhicule, s’il vous plaît !

Je les sors et les lui tends. Il contrôle la voiture, les papiers et commence à écrire son PV.

Je suis dégoutée. Je n’ai déjà pas beaucoup d’argent et ces PV ne vont pas arranger l’état de mes finances.

Il me tend le PV avec un petit papier.

— Appelez-moi. Je vous paierai votre PV, si vous m’inviter à déjeuner !

Il m’offre un énorme sourire. Je me rends compte comme il est charmant.

— Quoi ?

— Allez-y, vous êtes très en retard.

Il fait un geste à son collège que je n’avais pas vu auparavant. Ce dernier se positionne et me remets dans le flux de la circulation. Ce qui me permet de gagner un temps considérable.

Pas le temps de réfléchir. Je m’engouffre et réduit ma vitesse. Je récupère Lucie avec 10 minutes de retard. C’est la dernière. Tous les autres enfants sont déjà partis.

— Je me disais bien que ce ne pouvait pas être sa mère ! J’imagine qu’elle...

— En effet ! la coupé-je sèchement.

Je ne l’aime pas trop l’institutrice de cette année.

Elle se permet toujours des réflexions. Je fais profile bas pour ma nièce et surtout pour Nat. Notre relation est déjà bien assez houleuse comme ça !

— Viens ma chérie, on y va ?

Elle me suit en silence. Elle est préoccupée.

— On va rejoindre maman ?

— Oui.

Elle monte en silence.

— Tu crois que maman...

— Tout ira bien, tu verras !

Je n’en suis pas aussi sûre que je tente de le faire paraitre. Je suis anxieuse. Nous arrivons quelques minutes plus tard.

— Enfin.

Le ton de reproche de ma mère m’horripile. Je reste muette pour ne pas envenimer la situation. Ce qui n’est pas mon genre. Ce n’est pas le moment. Tout simplement.

Tous les visages sont fermés lorsque nous entrons dans la chambre. Tout le monde me regarde avec désapprobation. Lucy court retrouver son père. J’attaque avant de leur laisser la possibilité de me fustiger.

— Wè, je sais que je suis en retard. Que voulez-vous, ce n’est pas à 25 ans que je vais changer. Je suis une perpétuelle source d’emmerdes pour vous. Dommage que je ne sois pas à ta place Nat. Je me serai laissé mourir, comme ça vous seriez tous mieux et plus heureux sans moi. D’ailleurs, je vais m’en aller. Tout le monde s’en fout de moi, de toute façon.

Je ne supporte pas de la voir. Je me tourne et pars avant que quelqu’un ne réplique.

Je cours, prends ma voiture et me dirige dans un bar. Je bois jusqu’à oublier. Puis, je monte dans ma voiture. Je ne peux pas repartir. Je m’apprête à m’allonger pour m’endormir quand je tombe sur le papier du policier. Une folie me prend. J’attrape mon portable et compose son numéro, puis trou noir.

Je me réveille. J’observe le lieu. Je suis stressée. Je ne connais pas du tout. Est-ce que quelqu’un m’a enlevée ? Est-ce que je suis au paradis ? Arrête de raconter des conneries. Je suis dans une chambre bien aménagée. Mais où suis-je ? Je quitte le lit et en ouvrant la porte, je tombe nez à nez avec une jeune femme.

— Bonjour ! me dit-elle.

Je me rappelle avoir contacté le policier d’hier. Je ne me souviens pas de son prénom qu’il a noté sur la feuille. Ce n’est pas possible. Je suis dans un mauvais rêve.

— Bonjour. Je suis désolée, bredouillé-je. Je ne savais... pas qu’il était en couple...

— Vous parlez de Flavien ?

— Euhhhh oui.

— Oh non ! Nous ne sommes pas ensemble. C’est mon frère.

Je soupire, rassurée. Elle me sourit.

Une porte s’ouvre. Et le fameux Flavien en tenue civile apparait avec un sachet de viennoiseries et du pain.

Elle attrape un croissant et nous annonce :

— Bon, je vais vous laisser. À plus tard, mon frère. Au plaisir, Alicia.

Elle connait mon prénom ? La porte claque doucement.

— Je lui ai dit votre prénom.

— D’accord.

— Vous comptez m’expliquer ? me demande-t-il.

Comment suis-je arrivée chez vous ?

— Hier soir vers 22h, vous m’avez appelé. Vous disiez que vous étiez saoule et que vous alliez dormir dans votre voiture pour ne pas avoir un autre PV. Déjà qu’avec tous vos soucis financiers, vous ne savez déjà pas comment payer celui-là. Ensuite, je n’ai rien compris d’autre en dehors du nom du bar où vous étiez. J’ai cherché l’adresse et suis venu vous chercher. Vous m’avez un peu fait flipper. Vous n’aviez même pas verrouillé les portières. Imaginez ce qui aurait pu se passer !

— Je suis désolée, me contenté-je.

Je suis morte de honte.

— Pourquoi vous êtes-vous mise dans cet état ?

— J’en avais besoin. Hier, quand j’ai récupéré ma nièce, la maîtresse m’a subtilement engueulée. Ma mère aussi à mon arrivée à l’hôpital.

— Hôpital ?

— Oui. Ma sœur, la mère de Lucy est gravement malade.

Les mots se perdent dans ma gorge sèche.

— Vous voulez boire un café ?

— Non, un chocolat, s’il vous plaît.

Il se lève et s’affaire à la tâche. Je l’observe. Il est vraiment pas mal du tout. Il est baraqué, grand blonds aux yeux bleus. Flavien est très gentil avec moi.

— Merci. Tu vis avec ta sœur ?

— On se tutoie ? se moque-t-il.

— J’ai passé la nuit chez toi, on a dépassé le stade du vouvoiement, non ?

Il sourit me dévoilant deux belles rangées de dents.

— Non, elle vit à Tours. Hier soir, elle avait un concert à l’Arena. Elle a dormi chez moi. Elle repart cet après-midi.

— Ah ok.

Il se sert un croissant et m’en propose un. J’opte pour le pain au chocolat. Il attend que je finisse avant de continuer son interrogatoire. Nous nous sommes observés sans parler. Quelques fois, les mots sont inutiles.

— Quelle est la maladie de ta sœur ? reprend-il.

— Cancer de l’utérus.

— Oh !

Il semble peiné pour moi.

— On le lui a retiré avant hier.

— Elle a combien d’enfants ?

— Un garçon de 8 mois, Edouard et Lucy qui a 8 ans.

— Quelle merde, ce microbe !

— Oui, soupiré-je.

— Je comprends mieux pourquoi tu semblais préoccupée.

— Dans ma famille, ça va plus loin. Ma sœur a toujours été la préférée. Elle, petite fille parfaite. Alors moi, j’étais le vilain petit canard. Je n’ai pas fait d’études, je sors avec des connards. Je bois et je fume.

— J’imagine que ta sœur, elle, ne fait rien de tout cela.

— Elle et Tom, son mari, sont de brillants experts comptables. Ils ont monté leur boîte à la fin de leurs études, se sont mariés et ils ont eu leurs deux enfants. Puis, la maladie leur est tombée dessus. Hier, après une énième prise de tête, je leur ai balancé que je regrettais que ce ne soit pas moi qui soit malade. Qu’ils auraient pu se débarrasser de moi.

— Je ne connais pas ta famille, mais je doute que ce soit aussi simple !

— Oh oui, tu ne les connais pas...

Il s’approche de moi et m’enlace. Je ressens comme une décharge. Je rougis. Je me rends compte que je suis en short et t-shirt. Il se repousse.

— Si tu te demandes si je t’ai vu nue… La réponse est pas encore. Je ne me serai pas permis. C’est ma sœur qui t’a changée. Rassurée ?

— Un peu.

— Tu veux que je t’amène récupérer ta voiture ?

Je n’ai pas envie de le quitter. Il le sent.

— Je te suivrai jusqu’à chez toi afin que tu puisses aller te changer. Puis, nous irons déjeuner ? Tu me dois un resto, non ?

Je souris.

— Cela me va ! Je préfère que l’on aille d’abord chez moi, puis nous récupérons ma voiture.

Nous prenons la route. Il vit dans un palace. Je dois le prévenir que moi, je suis en HLM.

— Chez moi, c’est plus modeste que chez toi.

— Et alors ? Est-ce bien grave ?

— Non. Je te préviens, c’est tout.

— D’accord.

— Tu bosses ?

— Oui. Je suis vendeuse. Toi, tu es gardien ?

— Pas exactement. Je suis lieutenant de police.

— Et tu mets des PV ?

— De temps en temps, je sors avec un gardien. J’aime bien. Ça me change du bureau.

— Ok. Il fallait que tu tombes sur moi.

— Tant mieux, non ?

— Oui. Je vais t’amener dans mon resto favori. Ça te va ?

D’après mes comptes, c’est le seul endroit où je peux l’inviter.

— Super.

Il risque d’être déçu…

En arrivant chez moi, je lui offre un café et je file me préparer. Nous repartons ensuite. Je n’ai pas vu la matinée passer. Je récupère ma Clio qui a 12 ans. Rien à voir avec son 5008 flambant neuf. Nous n’évoluons pas dans le même monde.

— Je la dépose à la maison et tu m’amènes au resto ?

— Ok.

— Je t’aurais proposé de prendre la mienne, mais je n’ai plus d’essence.

— D’accord. Ça tombe bien la mienne me permettra de t’amener où tu veux.

— Vraiment ?

— Dans la limite du raisonnable, bien sûr.

Il m’offre un clin d’œil.

 

Après plusieurs minutes où je lui explique la direction pour se rendre à mon resto préféré. Nous voilà garés. Il explose de rire.

— C’est donc ton resto préféré ?

— Bien oui. Je ne peux pas me payer de grands restos, moi, Monsieur.

— Donc tu comptes m’inviter à MacDo pour que je te paye ton amende ?

— Le deal c’était de t’offrir un resto ! Donc oui.

— Ok.

— On y va ? dis-je triomphante.

— Allons-y !

À la borne, je commande pour moi, puis, lui laisse la place. Il semble sérieux. Quand il finit, il me cède la place pour que je paye.

Quoi ? Il se fout de moi ?

— Quoi ? Ça ne me nourrit pas MacDo. Je ne prends pas moins de deux menus quand j’y vais.

— Deux menus signatures, un MacFlury et un café long ?

— Bien ouais !

— Ok !

Je glisse ma carte bleue électron à l’emplacement prévu. Je ne suis même pas sûre qu’elle passera. Je commence une prière silencieuse. Il pose sa main sur la mienne et m’arrête.

— Le deal est annulé !

— Quoi ?

— Je ne peux pas te laisser payer. Ne t’en fais pas pour le PV, je ne l’ai pas validé. Je l’ai même annulé. Je ne te connaissais pas, mais je savais que quelque chose clochait. Mon instinct ne m’a pas trompé. Et là, je sens encore que tu stresses. Tu m’inviteras dès que tu te sentiras plus à l’aise financièrement. Qu’en penses-tu ?

Cet homme est parfait.

— Je suis gênée.

— Ne le sois pas avec moi. Tu me plais vraiment.

— À moi aussi. Enfin, avec toutes les casseroles que je me traîne, tu vas vite fuir.

Il m’offre un sourire franc.

— Tu es encourageante, à ce que je vois !

Je rigole.

— Pourquoi tu étais en retard, hier ?

— J’ai accepté des heures supplémentaires. J’essaie de passer du temps avec mes neveux. Du coup, j’ai pris trop de congés. Je n’ai plus d’heures. Les congés sans soldes, ça fait mal. J’ai épuisé mon quota. Si j’avais su...

— Comment aurais-tu pu le prévoir ?

— Oui.

— J’imagine que ta sœur n’est pas au courant ?

— Non.

Nous déjeunons. Il me parle de sa famille à Tours. Moi, de la mienne.

— Tu veux que je t’accompagne à l’hôpital.

— Vraiment, tu veux ?

— Oui.

— Merci, soufflé-je.

Une demi-heure plus tard, nous arrivons devant la chambre de Nathalie.

— Si tu comptes à nouveau nous faire ta crise d’ado, tu peux repartir, me balance ma mère sans un bonjour.

— Madame, vous pourriez laisser votre fille s’expliquer avant de l’agresser.

La voix de Flavien est ferme bien que calme.

Elle remarque enfin sa présence.

— S’expliquer ? Et vous êtes qui ? Un autre de ses junky ?

— Vous avez une si piètre opinion de votre fille que c’est tout ce que vous lui souhaitez ?

— Ce n’est pas grave Flavien. Allons-nous-en !

— Non, hurle une petite voix faible.

Nous nous retournons tous.

— Maman, Alicia a raison. Tu as toujours montré que tu étais fière de moi. Jamais d’elle.

— Comment l’être ?

Je déglutis.

— Tu peux être certaine, Lili que ni maman, ni moi n’aurions souhaité que tu sois à ma place. Aucun parent ne peut espérer cela pour ses enfants. Maman t’aime, même si elle ne sait pas te le montrer. Tu as fait pas mal de conneries certes et elle s’est blasée. Mais tu l’as touchée hier. Elle a pleuré quand tu es partie. Et puis, tu n’as pas eu d’enfants. Je refuse de perdre ma sœur avant qu’elle ne me donne des neveux et des nièces. Et t’en fais pas, je vais me battre. Il est hors de question que je me laisse aller. Je vais combattre ce monstre qui tente de me ronger. Viens.

Elle me prend dans ses bras. Elle ouvre ses bras pour que notre mère nous rejoigne.

Elle nous embrasse les cheveux à chacune.

— Je vous aime plus que tout, mes bébés. Même si tu m’en as fait baver Alicia. Alors ôte-toi ces idées stupides de la tête, tu m’entends ?

— Oui, maman.

— Tu vas nous présenter ton ami ? Il doit vraiment t’aimer pour te défendre ainsi, me questionne Nat.

Je tourne la tête et nos yeux se mêlent. Y’a vraiment un truc entre nous. Y’a pas à dire.

— Je vous présente Flavien. Il est lieutenant de police. On s’est rencontrés hier. Il m’a mis un PV parce que je roulais trop vite et que je te parlais en conduisant.

Ma mère et Nat passent leurs yeux de lui et moi. Elles essaient de sonder si je plaisante ou si je dis la vérité.

— Alicia ne vous a pas menti. Elle est un vrai rayon de soleil. Je n’ai pas pu résister à son charme. J’espère qu’entre nous, ça marchera.

— Nous aussi, répondent-elles en cœur.

On ne sait jamais de quoi demain sera fait. Pour autant, j’ai un bon feeling face à l’avenir. Il semble bien plus gai que mon passé...

 

1 août 2019

Friendzone

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— Tu es encore en train de pleurer ?

Je lève la tête. Ma meilleure amie, Lucie, m’observe avec attention.

— Philip me manque.

— Si tu savais comme je le déteste.

Depuis que je suis avec lui, mes amis n’arrêtent pas de me consoler. Je l’aime tellement que je n’arrive pas à le quitter.

— Tu ne veux toujours pas m’en parler ?

— J’ai trop honte.

— Je suis ta meilleure amie. Tu ne devrais rien me cacher.

Je ne sais pas vraiment quoi faire. C’est ma meilleure amie, je devrais pouvoir me confier mais je n’y arrive pas. La gêne due à cette situation est affreuse. Elle semble déçue. Déçue que je ne lui fasse pas assez confiance pour partager mon secret avec elle.

— Philip a voulu que je lui fasse une gâterie !

Elle sourit.

— Et ?

Pour elle, les choses sont toujours simples.

— J’ai refusé bien sûr.

C’est bien, non ?

— Il m’a quittée. Je suis trop gamine pour lui.

— C’est un con ! Tu as eu raison. Il ne la méritait pas sa gâterie...

— Non, hoqueté-je...

— Tu ne dois surtout pas te forcer.

— Je n’en avais pas envie, non...

— Tant mieux. Ce type est un imbécile !

 

Une heure plus tard, me voilà allongée dans mon lit près de mon meilleur ami Luka.

— Tu ne devrais pas te rabaisser.

— Je l’aime.

— Oublie le ! Tu mérites tellement mieux.

Je me glisse sur le côté, un bras maintenant ma tête pour l’observer.

— Toi, tu as toutes les nanas que tu veux. C’est tellement facile. Je n’ai pas cette chance.

— Elles ne m’intéressent pas.

J’ai d’ailleurs toujours trouvé ça louche.

— Ah bon, pourquoi ? Parce qu’elles te courent toutes après ? Elles sont si belles !

— Selon quels critères de beauté ?

Je rougis.

— Bien le mien.

— Pas selon le mien.

— Je dois donc être bien laide à tes yeux ! Heureusement qu’on est amis et que je ne tenterai jamais rien avec toi.

Il soupire et me regarde bizarrement.

— Quoi ? J’ai dit une connerie ?

— Non. Je vais rentrer. En tout cas, pense à ce que je t’ai dit. Tu es trop bien pour ce connard !

 

Le lendemain matin, je retrouve Lucy en cours. Elle est si sérieuse ! J’ai envie de lui balancer une blague.

— Lucy, j’ai cédé.

Elle paraît déçue par moi.

— Vraiment ?

— Non. Je ne le pourrai pas. J’ai aussi pensé à Luka...

— Luka ?

Elle hausse un sourcil, surprise.

— Oui, il pense que je vaux mieux que lui.

— Il a raison.

Elle hésite. Puis continue.

— Tu sais, euhhh Luka...

— Oui ?

— Comment tu le trouves ?

— Bien, c’est notre pote quoi !

— Moi je te verrai bien avec lui.

Je souris. Elle plaisante ? Je n’ai aucune chance avec lui. Je ne peux même pas expliquer comment il est devenu mon ami.

Depuis nos 4 ans, nous sommes dans la même classe. Ça a dû aider...

Aujourd’hui en terminale, peu de choses ont changé. Il plait toujours autant et ne s’intéresse toujours pas vraiment aux filles.

— Tu crois qu’il est homo ? lui demandé-je.

Lucy manque de s’étouffer.

— Tu es aveugle ou quoi ?

— Ben quoi ?

Elle ouvre la bouche. Puis la referme aussitôt. Ces cachoteries m’énervent.

— En ce moment, je vous trouve tous les deux bizarres. Je ne comprends pas ce que vous essayez de me faire comprendre. Soyez clairs... Ça me saoule à la fin...

— Je n’ai rien à dire !

— Mouais.

Elle fait la moue. Inutile de continuer. Je n’aime pas être en colère contre mes amis.

— On va bouffer ? lui proposé-je.

— Oui. J’ai la dalle.

— Moi aussi.

— Attends, j’envoie un SMS à Luka pour voir s’il est libre.

— Pourquoi veux-tu qu’il nous rejoigne ? lui demandé-je.

— Parce que c’est notre pote !

— C’est tout ?

— Bien oui.

— Ok, finis-je.

 

Une demi-heure plus tard, Luka nous a rejoint. Nous allons à McDo et nous commandons des big mac. Lui et moi aimons la même chose. Notre menu est identique. Sprite, potatoes, Big Mac... Lucy est plus Macbacon, frites, Fanta. Ça en fait plus pour nous... Je prends aussi un Macflury daim caramel. Nous nous régalons.

Après le repas, Lucy s’en va aux toilettes, nous laissant seuls, Luka et moi. Philip se pointe devant nous.

— Tu n’as pas perdu de temps pour me remplacer à ce que je vois...

Je suis offusquée par son attitude.

— Tu plaisantes ? C’est toi qui m’as quittée, si je me rappelle.

Luka s’approche. Il passe un bras autour de mes épaules. Je m’empresse de le retirer.

Il semble en colère ou vexé, je ne sais pas trop. Moi, je suis gênée.

Philip sourit.

— Tu fais ça pour me rendre jaloux ?

Je ne réponds pas.

— Ça marche. Tu me manques, bébé.

Je suis sur un nuage.

— Ah !

— Tu veux qu’on aille au cinéma, là ?

Je tourne la tête vers mon meilleur pote. Il est obligé d’être compréhensif. Son regard est glacial. Il m’en veut ?

Il sait comme je suis amoureuse de Philip. Il ne peut pas me faire cela...

Il se lève, pose un billet et s’en va sans un mot. Je le regarde partir. Je ne sais pas quoi dire. Lucy revient à ce moment-là. Elle aperçoit Luka s’en aller. Elle m’observe et lui court après.

Philip soupire.

— On y va ?

— Oui, chuchoté-je.

Il attrape ma main et m’entraîne à sa suite. Je suis déçue par l’attitude de mes amis. Au cinéma, il n’y a pas grand monde. Je ne sais même pas quel film, on va voir. Philip n’est vraiment pas cool. Il m’a laissé payer ma place.

J’hallucine. Il s’en rend compte.

— Quoi ? Vous voulez la parité, il faut assumer.

Il se fout vraiment de moi.

Arrivés dans la salle. Elle est quasi vide. Nous nous installons et Philip me prend dans ses bras.

Je suis aux anges. Je savoure ce moment. Je suis tellement rêveuse que je suis incapable de dire de quoi le film parlait.

Il me raccompagne chez moi et me donne un baiser.

— Je peux entrer ?

— Mes parents sont là.

— On ira dans ta chambre.

Je ne doute pas de ce qu’il espère.

— Je suis épuisée.

— Déjà ? Tu n’as que 16 ans, il faut t’amuser un peu.

— Oui. On en reparle demain si tu veux ?

— Ok

 

Mes parents sont dans la cuisine. Je fonce directement dans ma chambre. Luka est allongé sur mon lit. Je souris.

— Fais comme chez toi, surtout !

— Tu n’es pas avec ton abruti ?

— Ne l’appelle pas ainsi. Il est trop génial. Et non. Il est rentré chez lui. Tu ne m’en veux plus ?

— Je ne peux pas t’en vouloir longtemps. Tu m’es trop précieuse contrairement à ce connard !

— Ah ! Ah !

— Un mec qui ne s’intéresse qu’à ta bouche, tu trouves ça sympa ?

Je sais à quoi il fait allusion. Je ne lui en ai pas parlé. Lucy ! La traîtresse !

— Si Lucy savait la fermer de temps en temps, cela m’arrangerait.

— Tu mérites mieux que lui !

— Ah oui, du genre qui ? Hein ? Parce que si tu ne l’as pas remarqué, les mecs ne se foulent pas pour sortir avec moi. Ce qui est normal, je ne suis pas terrible !

— Arrête de te dévaloriser !

— Tu es mon pote, tu ne vas pas me balancer que je suis laide. Si tu me croisais dans la rue sans me connaître, il est évident que tu ne te retournerais pas sur moi. Je ne sais même pas comment tu fais pour être mon pote ! Tu es canon, toi !

Il sourit.

— Cindy veut sortir avec moi !

— Comme toutes les filles de l’école.

— Toi aussi ?

Il a un air limite lubrique.

— Ah non ! Sauf Lucy et moi, bien sûr vu que nous sommes amis !

Pendant une fraction de secondes, j’ai l’impression qu’il est déçu. Je rêve. Je secoue la tête et change de sujet.

— Tu ne veux pas sortir avec elle ?

— Non.

— Pourquoi ? Elle est canonissime, comme toi. Vous iriez bien ensemble.

Je ne suis pas convaincue. Il est trop bien pour elle. Il est trop bien pour toutes les filles avec qui il sort en fait...

— Elle ne me plaît pas.

— Tu plaisantes ? Je serais curieuse de connaitre tes critères de beauté.

— Tu veux vraiment le savoir ?

Ses yeux pénètrent dans les miens.

— Non, je serai sans doute trop dégoutée, je ne veux pas savoir.

Déjà que mon estime de moi est au plus bas, ça va m’achever.

Il se redresse et plante à nouveau ses yeux dans les miens.

— Tu es une fille super.

— C’est ce que l’on dit aux moches pour ne pas les vexer.

— Arrête de te sous-estimer.

— Merci. Tu es un véritable ami.

Je l’embrasse sur la joue et le prends dans mes bras. Son cœur bat la chamade. Je le repousse.

— Ça va ?

— Très bien, pourquoi ?

— Je ne sais pas. Ton cœur bat si vite.

Il reste silencieux. Je ne comprends pas. Nos yeux se scrutent. J’avale ma salive.

— Vous descendez ?

La voix de ma mère rompt ce moment bizarre. Cela m’arrange.

— Viens ! lui proposé-je.

Il se redresse et me suit.

— Tu savais que j’étais rentrée, man ? demandé-je à ma mère.

— Oui. On a entendu la porte avec ton père.

— Ah ok.

— En fait, ta mère avait peur que vous fassiez des choses salaces dans ta chambre.

— Papa, hurlé-je d’un air dégoûtée.

— Ma chérie, c’est ton père. Tu sais qu’il s’inquiète pour rien.

— Vous n’avez pas à l’être. Nous sommes les meilleurs amis du monde. Rien de plus.

— C’est vrai, Luka ?

Mon père se tourne vers lui qui n’avait pas pipé mot depuis ma chambre.

— Oui, Monsieur.

— Ok.

— Et puis, Luka a les plus belles nanas du lycée qui lui tournent autour et il ne veut sortir avec aucune d’entre elles. Les filles, ce n’est pas son truc, conclue-je.

Luka qui buvait un verre de limonade servi par ma mère quelques secondes plus tôt, manque de s’étouffer.

— Je ne suis pas homo. Je ne m’intéresse simplement pas à tout ce qui bouge.

— Tu as raison de te concentrer sur celle qui te plaît. Elle finira par s’en rendre compte, lui sort mon père en lui tapant l’épaule.

Cette fois-ci, c’est moi qui manque m’étouffer.

— Tu t’intéresses à une fille et tu ne m’en as rien dit ?

Il regarde mon père comme s’il pouvait lui apporter de l’aide. C’est la première fois, que je le vois aussi troublé. Qui peut être cette fille ? Lucy ? C’est vrai qu’elle est jolie. Non, nous sommes amis, ce n’est pas possible.

— Tu sais ma chérie, les hommes ont parfois leur jardin secret.

— Oui, je t’en parlerai en temps voulu...

— Alors là, tu m’intrigues ! Elles te courent déjà toutes après. Pourquoi ne pas le lui en parler ?

Il sourit tristement.

— Elles ne me courent pas toutes après, tu exagères. Disons que je ne suis pas encore prêt.

— Ok. Je n’insiste pas.

 

Le lendemain Philip est de retour. Il insiste pour rentrer chez moi.

— Papa, Maman voici Philip.

— Bonjour Madame, Monsieur. Je suis son petit ami.

— Ah bon ? Elle ne nous a jamais parlé de toi, commence mon père sur la défensive.

— C’est assez récent papa.

— Rien de sérieux alors ! Poursuit-il.

J’ai du mal à le reconnaître.

— On va dans ta chambre ? me murmure Philip.

— Non ! Chuchoté-je. Ce n’est pas une bonne idée.

— Pourquoi ? On serait plus intimes.

Mon père et ma mère nous observent. Je suis gênée. Mon père ne semble pas l’apprécier.

Ma mère nous propose des cookies. On accepte. Nous restons dans le salon, ce qui ne plaît pas à Philip. Il finit par prendre congé.

— Tu sors vraiment avec ce type ?

— Papa, ça suffit !

— Je ne lui donne pas tort. Y’a un truc bizarre chez lui ! Rien à voir avec Luka.

— C’est mon ami d’enfance. Vous le connaissez depuis 1000 ans. Ce n’est pas comparable.

— Justement, moi je te verrai mieux avec lui.

— Je te le répète, c’est mon ami. Il n’y aura rien entre nous... Et puis même si j’en avais envie, vous savez qu’il a des vues sur une fille. Elle doit être trop belle ! Rien à voir avec moi !

— Tu en es certaine ?

— J’en mettrais ma main à couper !

Ils secouent la tête et s’en vont.

 

Ma relation avec Philip devient plus sérieuse. Je serai bientôt prête pour... Cela fait des jours que je n’ai pas de nouvelles de Luka. Il me manque.

Je lui envoie un SMS.

« Dis donc, tu te caches ? »

« Quoi, je te manque ? »

« Non. Je suis juste étonnée. Tu es toujours fourré chez moi d’habitude ! »

« En ce moment, j’ai besoin de me centrer sur moi-même. »

Je me demande quelle mouche l’a piqué.

Je sors de ma chambre. Je prends la direction de la cuisine afin de prévenir mes parents que je vais chez lui. Je surprends une conversation qui m’arrête avant que je n’entre dans la cuisine.

— Pourquoi elle s’est entichée de ce Philip ? râle ma mère.

— C’est à n’y rien comprendre. Elle a la chance d’avoir Luka.

— Luka est extra et elle ne se rend pas compte qu’il est fou d’elle !

J’encaisse leurs paroles.

Il est fou de moi ? Mais, ce n’est pas possible. Je quitte immédiatement la maison. Je suis encore abasourdie quand j’arrive chez lui. Il ouvre. Il m’observe sans un mot. Il glisse ses mains dans les poches.

— Tu joues les timides maintenant avec moi ? osé-je.

— Non. J’attends que tu me dises pourquoi tu es là.

— Je suis venue voir mon pote.

— Ok. Viens. On va dans ma chambre.

— D’acc.

Je le suis. Je ne sais pas comment commencer. Comment aborder la question. Et si mes parents se trompaient ? Et s’il ne m’aimait pas ? Inutile de perdre du temps. Autant aller droit au but.

— Est-ce que tu es amoureux de moi ?

Il baisse la tête.

— Alors, c’est vrai ?

Toujours silence.

— Qui t’a dit cela ?

— Je t’ai posé une question la première !

— Tu...

— Tu as la chance de pouvoir sortir avec n’importe qui et tu t’intéresses à moi ? La plus moche de toutes ! Je t’avoue que je ne comprends pas.

— Si tu te voyais comme je te vois, tu ne dirais pas ça.

Je rougis. Il est sérieux ?

— Comment cela se fait-il que je n’ai pas remarqué cela plus tôt ?

— Tu te dévalorises tellement.

— Pourquoi moi ?

— Parce que tu es la fille la plus formidable que je connaisse. Tu es tellement douce.

Quand t’en es-tu aperçu ?

— Depuis un bout de temps. J’en ai eu la certitude quand tu as commencé à sortir avec Philip. Je ne comprenais pas ce que tu faisais avec lui. Il ne te mérite pas. J’imagine que tu lui as...

— Stop ! Non. Je n’ai rien fait avec lui encore.

Il soupire soulagé.

— Comment conçois-tu notre avenir ? me demande-t-il.

Je m’assoie près de lui en silence.

 

Comment imaginez-vous la fin entre nos deux protagonistes ? Plutôt romantique ou dramatique ?

 

Dans la vie, nous ne voyons pas toujours ce qui nous saute aux yeux. Observez et ne ratez plus celui qui pourrait-être votre âme-sœur. Belles histoires à tous, chers lecteurs.

24 juillet 2019

Chloé Choose her destiny Rencontre en croisière choix 2

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Dire que je suis sur un des plus grand bateaux du monde. Que j’ai contribué à construire qui plus est. Je soupire. Mon frère râlerait s’il me voyait. Il n’est pas évident d’être ici et de se sentir privilégiée. J’ai horreur des fêtes guindées. Au lieu de me rendre au repas du capitaine, je décide d’aller manger au buffet. Il y a tellement de choix dans cet énorme espace que je trouve mon bonheur.

Je m’assoie non sans une certaine fierté au bar que j’ai dessiné. Les différentes teintes de couleurs rouge, orange et jaune sont juste sublimes dans cette atmosphère feutrée de ce début de soirée.

— Vous êtes bien pensives, m’interpelle une voix chaude et grave à la fois dans un anglais impeccable.

Je souris. Je lève la tête et découvre de beaux yeux noirs qui m’observent. Ce bel apollon noir me rappelle Denzel Washington jeune. Il est grand et a sans aucun doute un corps d’athlète sous son costume. Il dégage une assurance presque intimidante.

Je lui réponds.

— Disons que j’admire le travail effectué à partir de mon esprit.

— Waouh, vous voulez dire que ce merveilleux travail est issu du cerceau sous ce beau visage ? Vous êtes française, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Votre anglais est de bonne qualité en tout cas ! me répond-il dans un français tout aussi parfait que son anglais quelques secondes plus tôt.

Il est sans doute français. J’enchaine donc dans notre langue.

— Êtes-vous en train de me draguer ?

— Je suis donc si transparent que cela ?

Je souris encore une fois de plus en plus intimidée.

— J’espère ne pas être trop entreprenant.

Que répondre à une telle question ?

— Au fait, je m’appelle Carter.

— Chloé.

— Enchanté Chloé. Ainsi, vous êtes l’architecte qui a conçu ce bateau ?

— Oh non. Simplement cet étage.

— Alors vous pouvez être fière de votre travail. On peut se tutoyer ?

— Bien sûr. Et vous, euhhh et toi Carter, dans quoi travailles-tu ?

Je préfère orienter la conversation sur lui. J’ai du mal à être le centre d’intérêt.

— Disons que j’ai une petite entreprise. J’avais besoin de me détendre alors j’en ai profité. Il y avait des promo pour la première de ce navire. Je n’ai pas hésité.

— Tu as bien fait. Tu es venu seul ?

— Envisages-tu de me draguer ?

Il explose de rire aussitôt. Ma gêne se transforme en un rire aussi communicatif que le sien.

— Si ta question est es-tu célibataire Carter ? Ma réponse est oui, Chloé. Je suis libre comme l’air. Non, tu rougis ?

— Très drôle ! Disons que tu as le chic pour me faire de l’effet.

— J’en suis ravi.

— Quelle âge as-tu Carter ?

— 33 ans et toi ?

— 26.

— Une jeunette.

— Ah ! Ah !

Nous discutons pendant des heures. Nous ne voyons pas le bar fermer tellement nous sommes pris par notre conversation.

J’en apprends pas mal sur lui. Je sais qu’il est français, mais qu’il a vécu une grande partie de sa vie aux Etats-Unis avec ses parents. Ceci explique cela.

Je finis par bailler malgré moi. Il regarde sa montre.

— Il est quatre heures. Je vais te laisser aller te reposer, Chloé. Je vais en faire de même.

— Bonne nuit, Carter.

— Bonne nuit, Chloé. Ça te dirait qu’on se rejoigne au petit déjeuner du 14eme vers 10h30 ?

— Avec plaisir.

Nous nous dirigeons dans nos chambres respectives. Je suis une membership. C’est agréable de se sentir VIP. Il va dans la même direction que moi et nous découvrons que nous sommes tous deux sur le même palier à quelques cabines près.

— Apparemment tu es un VIP ? lui dis-je sur le ton du reproche.

— J’ai voulu me faire plaisir, se contente-t-il.

— D’accord. Moi, en ce qui me concerne, tout est payé.

— C’est mérité.

— Merci.

Il me lance un sourire mutin et un baiser virtuel avec la main. Puis, il disparait dans sa cabine avant que je ne réagisse.

À 10h30, il est à l’entrée du restaurant.

— Tu es ponctuel !

— Oui, la ponctualité me tient à cœur, réagit-il. Je m’arrange toujours pour respecter mes horaires.

Au petit-déjeuner, plusieurs personnes chuchotent sur notre passage. Je dois me faire des films. Personne ne sait qui je suis.

Assis à notre table, nous oublions le monde autour.

— Les prochains jours, ça te dirait que l’on commande le petit-déjeuner et que nous le prenions sur nos balcons une fois sur deux ?

— Ah oui. Ce serait génial.

Je repense encore aux chuchotements. Ceci nous évitera cela. Sans doute ont-ils vu que nous étions VIP et cela leur déplait ? Le midi, nous déjeunons au yacht club.

— Je tiens à t’inviter !

— Il en est hors de question. Je suis entièrement prise en charge.

— D’accord. Comptes-tu sortir ?

— Oui.

— Ils te prennent en charge aussi ?

— Non.

— Alors, accompagne-moi.

— Pourquoi pas !

Après notre repas, nous partons en quête de Gênes. Je ne suis pas fan du lieu. Enfin, être avec Carter était merveilleux. Il m’a payé le bus touristique, à boire et une glace. Bref, il est aux petits soins pour moi. Il inspire tellement le respect que les gens agissent en conséquence avec lui. Je me sens protégée avec un homme aussi imposant.

En fin de journée, nous décidons d’aller nous baigner. Quand j’ôte ma serviette, son regard me flatte. J’y lis du désir.

Il soupire.

— Je suis loin d’être toutes ces stars de cinéma etc...

— Tu as de belles formes. Tu n’as rien à les envier.

Puis, nous prenons un cocktail.

Le soir arrivé, nous dînons et il me propose d’aller dans sa cabine. Je ne doute pas un seul instant de ce qui se passera. Je n’en doute même pas. Ce mec me plaît. C’est une histoire de vacances et je l’accepte. Tout étant clair dans ma tête, j’accepte. Son regard appuyé est sans équivoque.

— Oui, j’en suis certaine.

Il attrape ma main, un sourire qui en dit long sur les lèvres et m’entraîne à sa suite. Dans l’ascenseur, il glisse sa carte afin de nous bloquer l’ascenseur que pour nous. Il m’embrasse de ses lèvres douces. Une chaleur agréable s’étend dans tout mon être. Ses mains expertes glissent sur ma peau à peine vêtue.

Il se colle à moi. Lorsque nous arrivons à notre étage, il recule. Nous arrivons rapidement dans sa chambre. Il n’y a rien qui traîne. Je suis presque liquéfiée. Je n’ai pas le temps de reprendre mon souffle qu’il s’abat sur moi. Il me murmure.

— Sans regret ?

— Non, aucun.

Au petit matin, il dort. Sa respiration est calme. La douce tempête est passée. J’ai vécu une nuit exceptionnelle. Mon corps le désire ardemment. Il le réclame. Je me love contre lui. Il se réveille et lit mon désir dans mes yeux.

Lorsque je me lève, il a déjà commandé le petit-déjeuner. Je retrouve tout ce que j’aime.

— Quelle mémoire !

— C’est une compétence essentielle dans mon métier, répond-il avec sérieux.

— Je n’en doute pas. Combien d’employés as-tu ? Enfin si tu en as ?

— Quelques-uns.

— D’accord.

Je n’insiste pas. Lorsque l’on parle de son entreprise, il est toujours vague. Enfin, j’ai bien compris que parler de son boulot ne le bottait pas trop.

— Je suis en vacances.

— J’ai cru comprendre cela, en effet. Ce n’est pas vraiment mon cas.

— Ah bon ?

— Non. Je dois repérer les anomalies de l’étage que j’ai dessiné.

— D’accord. Et tu en as vues ?

— Quelques-unes. Je les ai déjà signalées.

Il est surpris.

— Quoi ? Tu pensais que j’étais une architecte bidon ou quoi ?

— Non. C’est juste que je ne t’ai pas laissé beaucoup de temps libre depuis notre rencontre.

— En effet. Celui dont j’ai disposé, m’a suffi.

— Super. Tu es impressionnante !

— Merci. C’est appréciable de rencontrer des personnes non avares de compliments.

— C’est ma méthode pour motiver mes troupes.

Je ne vois pas la semaine passer. Nous nous mêlons peu à la foule.

Je crois que j’ai un petit pincement au cœur. Demain, il s’en ira et nous ne nous reverrons probablement plus. Quand on a été chouchoutée comme moi, c’est dur de redescendre sur terre. Je crois même être amoureuse. Enfin, soyons réaliste ! Il sait tout de moi, j’en sais peu le concernant. Il a daigné me donner quelques bribes de sa vie, mais ce n’est rien. Si ça se trouve, il est marié. Il serait venu avec sa famille dans ce cas, non ?

Je vais aux toilettes en sortant de la piscine. J’ai bu tellement de cocktail que je n’aurai pas le temps d’arriver dans ma chambre. Deux femmes discutent. Elles me tournent le dos.

— Tu as vu la femme que le patron de nos hommes se paie ?

— Elle n’a rien à voir avec celles de d’habitude.

— C’est sûr.

Je ne sais pas de qui elles parlent. Mais elles ne semblent pas sympas.

— Passer de mannequins blondes aux yeux bleus à une noire, j’en suis choquée !

Quelque chose me pousse à continuer à écouter. On pourrait penser qu’elles parlent de moi...

— Enfin, demain, elle aura disparu.

— Tu crois qu’il lui a parlé de sa fortune ?

— Vu comment elle lui tourne autour, c’est certain. Elle est comme les autres.

Elles explosent de rire.

— Si j’étais plus jeune et célibataire, je ne suis pas certaine que j’aurais refusé les avances de Carter Beron.

Je suis abasourdie.

Carter, mon Carter ? Je dois faire du bruit car elles se retournent et m’observent, effrayées. Il n’y a aucun doute. Je comprends mieux toutes ces messes basses à notre passage. Quel menteur !

Je cours me réfugier dans ma cabine. Il doit m’attendre dans la sienne. Quel enfoiré de menteur !

Je prends mon portable et fais des recherches. Ce mec est multimillionnaire. Il a monté une start up en informatique qui marche super bien apparemment. Chaque année, il paye un voyage à ses 10 collaborateurs et à leurs familles. Il est généreux. Il a une équipe parfaite apparemment. Il soustraite tous les autres corps de métiers auquel il a affaire. Ainsi, il garde une entreprise pérenne avec peu d’employés.

Il frappe à ma porte. Il a un pass. Je l’avais oublié. Il entre. Je tente de ne pas me montrer blessée. Il alterne les yeux entre mon ordinateur allumé et moi. Son visage se ferme.

— Tu étais au courant ?

— Oui, mens-je histoire de me donner contenance.

Il ferme les yeux et passe ses mains sur ses tempes.

— Quoi ? Tu croyais que tu te foutais de ma gueule ? Et non, c’est bien l’inverse. Je n’ai pas dépensé un centime. En même temps, ce n’est rien pour toi, n’est-ce pas ?

Il ne répond pas. Son visage semble différent. Je ne sais pas ce qu’il exprime et je m’en fiche.

— J’ai juste une question ! Pourquoi moi ?

— J’avais envie de changement. En terme de physique c’était le cas, pour le reste apparemment, non !

Je n’ai pas trop compris. Mon cerveau est en surchauffe, je n’ai pas envie d’analyser.

Je comprends pourquoi il a toujours refusé les photos quand j’insistais.

— C’est pour ça que tu refusais qu’on nous prenne en photo.

— J’ai eu raison. Tu comptais les vendre chères, j’imagine. Je t’ai un peu court-circuité.

Ses paroles sont blessantes.

— Tu devrais aller préparer ton départ !

— En effet.

— À plus !

— Je ne crois pas, poursuit-il.

Sa voix est froide. Elle me glace le sang.

— Non, en effet.

Il s’en va sans plus un regard pour moi. Demain matin, il sera parti. Je rentre sous mes draps qui portent encore son odeur. Je suis si malheureuse. Les larmes se libèrent d’elles-même.

Dix jours sont passés, pourtant je ne m’en remets pas.

— Chloé, nous avons une belle proposition pour construire un siège pour une entreprise, me sort mon frère.

— Tu devrais t’en occuper. C’est toi le commercial.

— Le patron exige que ce soit toi !

— Pardon ?

— Oui.

Qui me connait pour me solliciter. Sans doute quelqu’un qui a eu vent de ma participation sur le projet du bateau Athéna.

— D’ailleurs, il est dans la salle de travail. Il t’attend.

Je suis intriguée. Je me dirige vers notre petite salle. Même si nous ne sommes que deux, nous l’avons conçue dans l’optique de nous agrandir un jour et de recruter des jeunes architectes comme nous. Je pénètre dans la pièce. Je reconnais cette odeur. Ce n’est pas possible. Même de dos, je repère son imposante stature. Il sent ma présence. Il se retourne. Son visage semble fatigué. Je déglutis, incapable de prononcer un mot. Que fait-il là ?

— Pourquoi m’as-tu menti ?

— Bonjour Carter. Je ne vois pas de quoi tu parles.

Autant garder ma dignité jusqu’au bout.

— Quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que deux de mes collaborateurs m’ont appris hier soir la bourde de leur femme sur le bateau. Ils étaient mal. Elles regrettent terriblement et ils ont tenu à me l’apprendre.

— Ça change quoi ?

— Tout. Tu m’as fait croire que c’était mon argent qui t’intéressait.

— Et toi tu t’es foutu de moi. Nous sommes ex aequo, balle au centre.

— Je ne me suis pas foutu de toi. Je ne voulais pas tout gâcher. Je rencontrais une femme qui m’appréciait pour ce que j’étais ! En l’occurrence Carter et non pour mon portefeuille.

— Tu es si parano et imbu de ta personne que tu penses que toutes celles qui t’approchent en ont après ton argent !

— Toutes celles avec qui je sortais oui ! C’est justement cette différence qui m’a fait tomber amoureux de toi...

Je suis abasourdie.

— Pardon ?

— J’imagine que tu vas me dire que...

— Je t’aime aussi.

— C’était aussi facile que cela ?

— Je le crains, souris-je. Tu m’as tellement manqué !

— Et bien sûr, tu t’en fiches que je suis riche ?

— Embrasse-moi au lieu de raconter des âneries.

— Toi aussi, tu m’as manqué !

Je suis aux anges pendant quelques secondes jusqu’à ce que je me rappelle qu’il ne vit pas en région parisienne.

— Tu es à Lyon !

— Je compte monter une filiale ici et m’installer dans le coin.

— Ah oui, le projet que j’ai en main.

Je l’avais oublié.

— Tu es prête à me surprendre ?

— Et comment !

— On va chez toi ou à mon hôtel ?

— Tu as pris une chambre dans un 5 étoiles, j’imagine ?

— Euhhh ! Ben quoi ?

— C’est sûr, Airbnb tu ne connais pas toi, explosé-je de rire.

Je n’attends pas sa réponse.

— On va chez moi.

— Bonne réponse !

Il m’offre un clin d’œil et fond sur moi.

J’ai rencontré mon Richard Gere pourtant je m’en fiche de sa fortune. Seul l’homme m’importe. Homme de ma vie ou pas, je compte bien profiter du bonheur qu’il m’offre.

 

16 juillet 2019

Chloé Choose her destiny Rencontre en croisière Choix 1

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Quelle idée j’ai eue de partir seule en croisière ! Une chambre seule avec un grand lit. Il faut dire que tout m’est offert. Alors même si je ne suis pas accompagnée, je ne le regrette pas une seule seconde. J’ai 34 ans et je gagne très bien ma vie. Et puis, je n’ai ni mari, ni enfant, donc je peux me permettre de partir à ma guise quand je le souhaite. Je quitte Paris en train le 20 juin à 10h40. Quatre heures plus tard, je me balade dans Marseille. Je suis à une terrasse du Vieux port en train de siroter un mojito. Quel régal ! Puis, je rejoins ma location Airbnb.

Un studio en plein centre-ville tout à fait abordable pour le lieu. À 16h précises, je suis devant l’immeuble. Il est assez ancien, mais en très bon état. La propriétaire m’attend. Nous pénétrons dans le logement entièrement rénové. J’ai même droit à une superbe vue sur Notre Dame de la Garde.

— Votre appartement est une pépite, lui dis-je.

— Merci bien, me répond-elle.

Puis, elle s’en va me laissant jouir de mon studio à ma guise. La salle de bain avec les toilettes intégrées est assez petite, mais cela me conviendra pour un jour. La kitchenette n’égale pas ma cuisine à la maison. Évidemment, puisque je me suis construit la maison de mes rêves.

Je me douche. Il fait si chaud. Puis, je me commande une pizza avec un coca. Je connais la ville de Marseille. J’y suis venue plusieurs fois.

La nuit passe vite. Me voilà au port. Je suis accueillie en VIP. J’ai une carte de membre et je peux monter en priorité. Tout semble si simple. Le début d’embarquement est prévu à 14h. En ce qui me concerne, je ne suis pas n’importe quelle Guest, alors on vient m’accueillir et m’invite à monter dès mon enregistrement. Après une demi-heure apparemment, nous sommes tous là. Le capitaine nous accueille et commence son discours.

— Chers amis, je vous remercie tous d’être présent. Aujourd’hui, c’est l’inauguration de notre navire Athéna. Ce bijou est un peu le nôtre à tous. Vous avez tous œuvré pour en faire le plus beau bateau qui soit aujourd’hui. Pour la première fois, il partira en mer. Merci à tous pour ce superbe travail et surtout n’hésitez pas à nous faire part de tout problème que vous constaterez. Bon séjour à tous et bon appétit.

Tout le monde applaudit et nous nous rapprochant de nos tables. J’ai repéré mon nom en arrivant. J’ai entrepris un tour subtil qui m’a permis de gagner du temps.

Je ne connais personne. J’ai été plusieurs fois en Italie pour partager mes croquis avec le responsable des productions. Je n’ai rencontré personne en dehors de lui. Je jette donc un coup d’œil à la vingtaine de personnes sollicités pour mener à bien ce projet. Il est incroyable de se dire que nous avons tous contribué à construire le Athéna.

Un homme apparait dans mon champs de vision. Il est charmant. Son regard se pose sur moi. Il me fixe quelques secondes, puis m’observe de haut en bas. Il semble apprécier le spectacle. Je me détourne et m’empresse d’aller à ma table, si je ne veux pas que mes jambes devenues flageolantes me lâchent. À peine assise, il s’approche de moi. Mon cœur bat la chamade. On dirait une adolescente. J’ai beau me sentir gênée, c’est plaisant de plaire.

— Bonsoir, se présente-t-il en se glissant à côté de moi.

— Bonsoir, réponds-je la gorge sèche.

— Nous sommes côte à côte. Quel incroyable coïncidence !

— En effet, Monsieur… MacTample, lis-je sur le marque place.

— Enchanté, Miss...

Il se tourne vers mon nom avant de poursuivre.

— Miss Flemin.

J’acquiesce et déglutis. Il a une voix que je qualifierais de Waouh !

— Contente de vous rencontrer.

— C’est réciproque.

— Merci.

Je suis si intimidée. Je ne sais pas quoi ajouter.

— Vous avez travaillé sur quel étage ?

— Le dixième et vous ?

— Le 6ème.

— Chouette.

Mes phrases sont courtes de peur que ma voix trahisse mon trouble.

— Nous sommes des chanceux.

— Oui.

— Vous allez toujours vous contenter de phrases courtes ?

Il sourit de sa remarque.

— Je ne suis pas très bavarde.

— Vous êtes certaine d’être une femme ?

— C’est une remarque sexiste, cher Monsieur MacTample.

— Enfin une phrase longue. Cette remarque sexiste, comme vous dites, vous a tout de même déridée, c’est bon à savoir.

Le serveur apparait et nous demande ce que l’on veut boire. Je constate que les six autres invités à notre table, se sont, eux aussi, installés.

Nous commandons tous du vin.

— Au fait, appelez-moi Steven.

— Moi, c’est Chloé.

— Tu es française, n’est-ce pas ?

Le passage de l’anglais au français entraine le tutoiement.

— Oui. Et toi ? Irlandais ?

— En effet !

— Tu parles bien le français pour un Irlandais !

— Merci. J’ai fait une partie de mes études en France.

— Ah, cela se comprend mieux.

— Tu es belle, Chloé.

Je rougis instantanément.

— Merci, Steven. Comment as-tu été recrutée ? lui demandé-je tout de go.

— Ma boîte a reçu l’appel d’offre. On était 4 dessus et c’est moi qui ai été choisi. Ils ont bien fait puisque j’ai été sélectionné parmi les 1000 postulants. Et toi ?

— Disons que j’ai monté mon cabinet avec mon frère. On a reçu l’appel d’offre. Ça ne l’intéressait pas. Il était sur un gros projet à Paris. Il m’a laissée tenter ma chance. Et tant mieux aussi. Cela nous a bien rapporté, mine de rien. Et là, le all inclusive. Quel bonheur !

— Je confirme. Ton frère doit être limite jaloux, non ?

— Oh oui !

— Avez-vous eu le contrat qu’il convoitait ?

— Oui. Il a assuré.

— Ça va, alors ?

— Carrément. Surtout pour un petit cabinet comme le nôtre. Nous commençons avec un beau palmarès.

— Super. Où travaillez-vous ?

— Dans le 17ème arrondissement de Paris. Et toi ?

— À Dublin.

Je soupire. Le mec, il est canon ! Mais il n’y a rien à attendre de lui.

Il m’invite à danser. Nous dansons, discutons. Nous nous promenons même sur le bateau ensemble. C’est un plaisir d’être avec lui. Il me raccompagne devant ma chambre vers minuit. Un baiser sur le front et il s’en va. Je suis excitée comme une puce. Non seulement, il est vraiment pas mal, mais il est attentionné. C’est l’homme de mes rêves... Ma nuit est agitée. Je pense beaucoup à lui.

 

Le matin, je prends une douche rapide et vais manger.

Je remplis mon plateau de toutes sortes de délices et m’installe à une table. Cinq minutes plus tard, il apparait devant moi et me demande s’il peut m’accompagner.

— Avec plaisir.

— Bien dormi ?

— Ça va !

— Ah ! Tu es insomniaque ?

— Non.

— Tu n’as donc pas cessé de penser à moi. Avoue !

Je rougirais comme une pivoine si j’étais blanche.

Il sourit, ravi.

— J’ai vu juste. Si ça peut te rassurer. J’ai passé la même nuit que toi !

— Parce que tu pensais à moi ? m’enquiéré-je abasourdie.

— Oui. Ça t’étonne ?

— C’est grisant en tout cas.

— Après le petit déjeuner, que dirais-tu de se faire masser ensemble ?

— J’adore l’idée.

Ce moment de massage est intense. Nous nous tenons la main. Je me sens si heureuse. Puis, nous allons au spa. Et nous nous dorons au soleil. Lorsque nous parlons, nous alternons entre le français et l’anglais. Ce soir, il m’accompagne à nouveau dans ma cabine. Pour mon plus grand bonheur, il n’en sort que le lendemain matin.

Il va se préparer dans sa cabine et me rejoint. Nous prenons le petit-déjeuner et sortons guetter les éventuelles anomalies. Rien d’inquiétant à nos deux étages. Nous faisons un rapport au capitaine et profitons du beau temps.

— Que dirais-tu de sortir. Je me promènerai bien dans les rues de Palerme, me propose-t-il.

— Moi aussi. Tu connais ?

— Non. C’est une découverte. Elle n’en sera que plus belle en ta compagnie.

Il m’observe.

— Tu es magnifique quand le rouge te monte aux joues.

— Tu te moques de moi ?

— Non. Mais je suis attiré par les noires.

— Ah, je ne suis pas la seule qui...

— Chut. Tu en vois d’autres, là ?

— Je n’ai pas vraiment regardé.

— Je t’assure que tu es unique.

Je souris.

— Ok !

Je ne vois pas la semaine passer. Elle est exceptionnelle. Il nous reste encore une semaine ensemble.

Nous déjeunons. Une annonce passe.

— Monsieur MacTample. Madame MacTample vous attend à la réception.

Il sourit. J’ai l’impression d’être dans un cauchemar. Le rêve se termine et le choc n’en est que plus terrible. Mon cœur se serre. Je comprends qu’il s’est moqué de moi pendant une semaine. Je me lève telle une automate.

— Ça ne va pas ?

— Tu plaisantes ?

Il comprend enfin.

— Laisse-moi t’expliquer !

Il semble dépité. Comme si cette visite n’était pas prévue. Apparemment sa femme lui a fait une surprise qu’il ne semble pas apprécier. Comme j’ai été bête ! Comment un homme aussi beau pourrait être célibataire. Sa femme doit être aussi belle que lui.

Je suis vraiment déçue.

— Il n’y a rien à expliquer. Tout est limpide, non ?

Il s’apprête à parler. Je refuse de l’écouter. Je m’enfuis dans ma chambre.

 

 

Chloé !me hurle-t-il.

Je ne me retourne pas. Je cours et j’arrive le cœur palpitant. Ma valise est vite rangée. Je ne peux plus rester sur le bateau. Hors de question que je le croise avec sa femme. Je suis tellement bouleversée. Je rassemble rapidement mes affaires et me dirige vers la réception. J’insiste pour quitter le bateau. Mon état joue en ma faveur. Je leur dis que je ne suis plus en mesure de rester, que j’ai de graves problèmes familiaux à gérer. Le capitaine comprend et accepte de me laisser débarquer. Nous sommes à Marseille. Je sors. Il fait chaud. Je prends un taxi qui m’amène à la gare. Je réserve un billet de train et attends mon départ. Cinq heures plus tard, je pénètre dans ma maison plus abattue que jamais. Je me sens seule et naïve. Comment ai-je pu croire en ses belles paroles ? Quelle énorme déception ! Je me douche, m’allonge et pleure toutes les larmes de mon corps. Je reste toute la semaine à végéter comme une loque. Il n’a même pas essayé de me contacter ! Et pourquoi ? Pour me dire qu’il est désolé ? La blague ! Qu’est-ce que ça changerait, hein ?

Je reste enfermée le reste de la semaine chez moi. Le lundi suivant, je me prépare et masque mes cernes avec de la crème et du fond de teint.

— Alors Chloé, comment s’est passé ton voyage idyllique ?

Le sourire de mon frère, Matt, me fait chaud au cœur. Hors de question que je gâche tout.

— Merveilleusement bien, mens-je.

— J’imagine. Le voyage de toute une vie.

En milieu de matinée, la pluie commence à tomber. On pourrait croire qu’il reflète mes pensées, d’une tristesse limite mortelle.

Je me noie dans le travail.

— Chloé ?

— Oui, Jérôme ?

— Quelqu’un demande à te voir.

Sans doute un nouveau client. Je feins l’enthousiasme en y allant. Je masque mon visage d’un entrain que je n’ai pas. Arrivée dans notre petite salle de réception, je commence :

— Bonjour, je... Au moment où il se retourne, je me tais, sous le choc.

— Il faut que l’on parle !

Sa voix est chaude, mais ferme.

— Il n’y a rien à ajouter. Les choses étaient claires.

— Absolument pas. Tu ne...

— Pourquoi es-tu venu ? Pour m’humilier ?

— Tu n’y es pas du tout.

— Vraiment ! ironisé-je.

— Tu crois que j’aurai perdu mon temps à venir jusqu’ici sans une bonne raison ?

— Je n’en sais rien !

— Je n’ai pas l’intention d’écouter ton baratin !

— Je viens de me taper plus de 700 km pour te voir donc oui, tu vas l’écouter mon baratin.

Je me tais et attends.

Il avance une main vers moi. Je la repousse.

Il glisse ses deux yeux bleus sur moi. Je ne peux m’en détacher. Il soupire.

— Sara-Jane n’est pas ma femme.

Comment peut-il mentir aussi effrontément !

— Ah oui, alors qui est-elle pour toi ?

— Ma sœur !

— Ben voyons !

Il lève un papier qui semble être la photocopie d’un passeport.

En effet, il est stipulé qu’il s’agit de son nom de jeune fille. J’ouvre des yeux ronds.

— Mais...

— Elle n’était pas prévue sur le bateau. Elle vit en France. Elle voulait me faire la surprise. Elle était fière du travail de son frère et voulait le découvrir.

— Pourquoi ne pas...

— Tu ne m’en as pas laissé le temps. Elle m’attendait. Tu m’en voulais. Je me suis dit que je te retrouverai dans le bateau plus tard pour t’expliquer. Je t’ai cherchée. Ce n’est que le lendemain à force d’insister que l’on a fini par me dire que tu avais débarqué à Marseille, la veille. Je dois t’avouer que cela ne me serait pas venu à l’idée, car nous avions une mission. Je n’ai pas pu me résoudre à quitter le bateau plus tôt.

Je me sens gênée, voire honteuse.

— D’une part parce que mes patrons comptaient sur moi et aussi parce que c’était aussi le cas de la compagnie.

— J’étais beaucoup trop bouleversée.

— Pourquoi ?

— Parce que...

— Dis-le ! Je viens de faire tous ces km pour te retrouver. Je mérite de le savoir, tu ne crois pas ?

— J’ai eu un véritable coup de foudre pour toi.

Je baisse la tête, gênée.

— C’est réciproque. Je ne sais pas ce qui va se passer pour nous, mais j’ai eu un véritable coup de cœur pour toi. Tu m’as tant manqué !

— Moi aussi.

— Nous avons des têtes de déterrés. Ma sœur s’excuse un million de fois. Elle s’en voulait. Elle m’a encouragé à te retrouver. « Une femme ne s’enfuit pas si l’homme ne lui plaît pas terriblement. » Elle m’a conforté dans mon idée.

J’approche mon front du sien.

— Qu’allons-nous faire ?

— Je vais démissionner et chercher du boulot à Paris.

Je relève la tête.

— Tu es sérieux ?

— Oui ! Je ne doute pas une seule seconde d’être heureux avec la plus belle chiante que je connaisse.

J’explose d’un rire communicatif.

Nous quittons la petite salle. Je retrouve mon frère, décidée à lui dire que je prends mon après-midi.

Il nous observe tous les deux en silence. Puis, il ouvre la bouche.

— Avec tous nos contrats, nous allons devoir embaucher quelqu’un.

— Ça tombe bien, Steven cherche du boulot !

— Ah bon ? J’imagine que vous vous êtes rencontrés sur le bateau ?

— En effet. Tu imagines bien.

— Ok. Tu comptes m’expliquer ?

— Ce soir vient dîner à la maison. On te racontera tout. Pour l’heure, je prends mon après-midi. Je te promets de rattraper mon retard dès demain.

— Ok. Filez !

Nous sortons du cabinet. Il fait chaud.

— On fait quoi ?

— On va chez moi. On a du temps à rattraper, sors-je d’un air mutin.

Nous rentrons chez moi, certains que peu importe l’avenir, nous ne le regretterons pas.

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27 juin 2019

Spin off Les lois de l'amour Aurore

Chapitre 1

Paul dort. Il a eu une rude journée hier. Il a fini tard. Désormais il siège à la cour d’assises. Il voulait du changement mais certains meurtres lui sont très difficiles à digérer. Il lui arrive de prendre certaines affaires trop à cœur.

J’essaie de l’aider du mieux que je peux à s’endurcir afin de ne pas trop se laisser attendrir par ces dernières. Il y est depuis à peine quelques semaines et ce n’est pas encore évident.

En ce qui me concerne, j’ai appris à le faire par la force des choses. Cela fait plus de dix ans que je juge des affaires concernant le droit des enfants. Certains parents se déchirent et oublient que ceux qui en souffrent le plus restent leurs jeunes enfants. Certains jeunes n’ont plus de parents… Bref nous sommes en vacances depuis ce matin et il est hors de question que l’on parle du boulot. Ce soir nous recevons Ashley, Xav et les enfants et j’ai hâte d’y être. Nous ne nous voyons pas aussi souvent que l’on aimerait. Nous avons tous nos vies et elles sont bien remplies.

— Mon amour, à quoi penses-tu de si bon matin ? Tu me sembles préoccupée.

— Je réfléchis à mon menu de ce soir. Je suis si excitée à l’idée de voir Ashley.

— Les voir heureux après tout ce qu’ils ont vécu c’est un peu bonheur.

— Je ne te le fais pas dire. 

Mon mari m’enlace et je ressens tout son amour. Il est tellement doux et attentionné. Plus j’y repense et plus je me dis que je suis comblée que les choses ne soient pas passées comme je l’imaginais plus jeune. Vous me connaissez à travers les yeux de mes amis. Laissez-moi vous raconter mon histoire.

 

Mes parents se sont mariés jeunes parce que cela ne se faisait pas de se fréquenter en dehors du mariage. Ils l’ont donc toujours vécu comme une contrainte.

Ils ne voulaient pas d’enfants. Je suis arrivée comme un cheveu sur la soupe.

 

Je me rappelle que depuis mes quatre ans, ils n’ont cessé de de me répéter que je n’avais pas été désirée, du moins mon père. Ma maman quant à elle ne disait rien.

Au début, j’en ai souffert. Avec le temps, je m’y suis habituée et l’ai accepté.

 

Un soir, papa, qui était en colère car je refusais d’apprendre ma leçon, m’a dit :

— Tu me rappelles constamment pourquoi je ne voulais pas d’enfants. Tu es vraiment épuisante. Heureusement que j’ai convaincu ta mère de se faire retirer son utérus. Au moins, nous sommes sûrs qu’il n’y aura plus jamais d’accidents aussi malencontreux que toi !

J’avais huit ans et cette remarque m’a blessée même si je ne comprenais pas vraiment son sens à cette époque-là.

Je n’ai jamais oublié cette phrase.

J’ai couru dans ma chambre. J’ai pleuré. J’étais forte malgré mon cœur brisé.

Maman est venue me voir.

— Je t’aime ma chérie. Ton papa est spécial.

— Retirer u utérus c’est quoi ?

Ma maman m’expliquait toutes les choses que je ne comprenais. Elle ne contredisait pas papa mais elle n’était pas comme lui.

Elle a rougi. Je la sentais mal à l’aise.

— Tu sais que je ferai tout pour comprendre maman. S’il le faut je demanderai à madame Solin. Il s’agit de ma maîtresse de l’époque.

Elle a respiré et m’a déclaré de manière claire :

— Toutes les femmes ont un utérus et il nous permet de devenir maman.

— Même si tu ne veux plus d’enfants, tu n’aurais pas dû le retirer. Maintenant, tu n’es plus une femme maman.

Elle m’a regardée.

— En quelque sorte ma chérie. J’aime ton père, je ferai tout pour lui.

J’ai compris à ce moment-là que ni maman, ni moi n’étions aimées de mon père. Mais aussi que maman était bien trop dévouée à cet homme nocif pour elle. Comment pouvait-on faire une telle chose pour une personne ? Aimer un homme qui ne nous aime pas en retour ? Je trouvais cela inconcevable. Je n’aimerais jamais un homme. 

 

 

 

Chapitre 2

À dix ans, j’ai surpris une conversation qui m’a choquée au plus haut point et qui m’a confortée dans ma conception de l’amour.

— Chéri, ce soir je ne veux pas y aller.

Où ne veut-elle pas aller ? Ils ne sont jamais à la maison le week-end. Où vont-ils ? Je savais que je ne devais pas écouter mais je veux savoir pourquoi ils m’abandonnent depuis si longtemps ? J’en étais là dans mes réflexions quand j’ai eu une réponse qui m’a vraiment mis mal à l’aise.

— Non, tu ne me fais pas faux bon. La semaine dernière déjà tu étais crevée. Alix et Pat sont impatients de s’occuper de nous et je le suis tout autant.

— J’ai besoin d’une pause.

— Pas ce soir !

Le ton de mon père était sec. Mes parents sont, d’après ce que je comprends, des échangistes. Encore une fois ma vision de l’amour s’est détériorée. Le sexe semblait être important dans leur vie mais pas l’amour.

— Quand tu m’as rencontré, tu connaissais mes penchants. Je t’en ai toujours parlé. Je t’ai épousé parce que tu semblais ouverte. Ne l’oublie pas ! J’ai besoin de coucher avec plusieurs partenaires. C’est ma seule conception de l’amour. Je n’en ai pas d’autres et je ne le désire d’ailleurs pas ! Si je ne me sens pas soutenu, je m’en irai.

— Et notre fille ?

— Elle t’aura toi…

— Comment…

— Tu sais quoi faire pour que notre vie soit heureuse !

Il s’est approché d’elle, lui a donné un baiser et a quitté la pièce. Maman est restée là à pleurer. Elle m’aimait autant qu’elle l’aimait. Elle s’est sacrifiée par amour pour lui et pour moi. Quelle triste vie.

Je l’ai rejoint.

— Maman, je t’aime. Merci.

Elle m’a regardée dans les yeux et m’a prise dans ses bras.

— Tu sais ton père nous aime à sa façon.

Je n’ai rien répondu mais je ne croyais pas du tout ce qu’elle venait de m’annoncer. Nous sommes restées ainsi toutes les deux. C’est la seule et unique fois que j’ai prononcé ces mots à ma mère. Je ne pouvais qu’aimer cette femme et ce sera la personne que j’aimerais j’en étais certaine.

 

J’ai un esprit fin et je comprenais très vite. J’ai appris à lire à quatre ans et je m’ennuyais à l’école. J’ai donc suivi un parcours particulier. J’ai été peu de temps après diagnostiqué enfant précoce.

Ces deux psychiatres que sont mes parents ont toujours refusé que j’avance trop vite dans ma scolarité, sous peine de me perturber. Je me suis donc toujours ennuyé. Je ne me suis jamais plaint car une petite fille gentille ne le doit pas. Si je faisais une bêtise, papa me disait combien j’étais une erreur dans leur vie et combien j’étais imparfaite malgré mon intelligence soi-disant incroyable.

Ce diagnostic me faisait peur. Je ne comprenais pas forcément à quoi cela correspondait. Quand j’avais des questions, je pouvais toujours les poser à maman. Elle m’expliquait toujours.

— Maman, ça veut dire quoi que je suis précoce ?

— Tout simplement que ton cerveau est rapide à tout analyser. Que tu comprends très rapidement.

 

Il m’a manipulée, retourné le cerveau jusqu’à mes treize ans. Il faisait de moi ce qu’il voulait.

L’adolescence est une période difficile. La mienne n’a pas été des plus simples.

Cette année, je me suis rebellée et j’ai vécu un véritable enfer…

 

 

Chapitre 3

Mon père n’a jamais aimé les garçons, hommes qui ont fait partie de ma vie. Avec mes parents croire en l’amour n’avait pas de sens.

Ainsi à 14 ans, mon voisin Patrick et moi étions tout le temps l’un chez l’autre. Ses parents comme les miens n’étaient jamais présents. Nous les soupçonnions même d’avoir une liaison ensemble. Nous imaginions ce qu’ils pouvaient faire ensemble tous les quatre. Tant est si bien qu’un jour, nous avons décidé de coucher ensemble. Ni lui, ni moi n’étions amoureux et ne pouvait d’ailleurs le concevoir. L’amour n’existe pas mais le sexe peut ne pas être mauvais. Ce soir-là après avoir dévoré notre pizza, Pat m’a proposé :

— Et si nous faisions l’amour ensemble ?

— Tu plaisantes ?

— Non, je suis sérieux. On s’entend super bien. Je t’aime bien, toi aussi tu m’aimes bien alors pourquoi ne pas découvrir ensemble en quoi ça consiste ?

Je l’ai regardé un moment. Il était vraiment sérieux. Mon cœur s’est mis à battre la chamade. Suis-je vraiment prête ?

Pourquoi pas après tout ? Je n’attends pas un prince charmant. A quoi bon attendre ?

Il a allumé son ordinateur et a mis un film de cul. Je vous passerais les détails car j’ai trouvé la posture de la femme très avilissante. Apparemment, il aimait regarder ce genre de films et se masturber devant. Il ne s’est pas gêné pour le faire devant moi.

— Tu veux me le faire ?

Il ne manque pas d’air. Mais j’avoue que l’expérience me tentait grandement.

Il m’a posée la main sur son sexe et je l’ai caressé du mieux que j’ai pu. Il m’a ensuite préparée à son tour. Lorsqu’il m’a pénétré j’ai expulsé un aïe bien douloureux. L’expérience finalement de cette première fois n’a été ni bonne ni mauvaise. Il m’a fallu bien quinze jours avant de recommencer. A partir de la quatrième fois, j’ai commencé à prendre du plaisir.

Plusieurs mois plus tard, comme à leur habitude, mes parents étaient partis et m’avaient laissé seule. Pat m’avait rejoint en fin de journée pour une soirée galipette comme nous avions tendance à l’appeler. Mes parents étaient revenus plus tôt que prévu. Ils nous avaient surpris en plein ébats. J’ai encore en tête la honte que j’ai ressentie à ce moment précis. Mon père était furieux. Il avait congédié Pat et lui avait interdit de remettre les pieds à la maison.

— Tu te rends compte que tu as 14 ans, hurla ma mère.

— Et alors ? Avec des parents détraqués comme vous, vous vous attendiez à quoi ?

— Pardon ?

Ma mère était choquée par mes propos. Mon père m’a giflée.

— Je t’interdis de poser la main sur moi encore une fois. Si tu recommences je te dénoncerais auprès des gendarmes, tu m’entends ? J’ai des droits.

— Tant que tu vivras sous mon toit, tu suivras mes règles !

— Tes règles ? Laissez votre gamine de 14 ans seule pour aller baiser avec d’autres couples, vous trouvez ça normal ? Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même. Je ne compte pas arrêter ma relation avec Pat. Vous avez récolté ce que vous avez semé. J’aime le sexe, je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin.

Je n’arrivais pas à croire que j’avais eu cette audace. Mon père était furieux. Je sentais sa rage dans sa respiration saccadée. Je crois l’avoir effrayé. C’est sans doute la raison pour laquelle, il ne m’a pas giflé une seconde fois pour mon insolence.

— Maintenant le week-end, nous ne partirons plus. Tu ne verras plus Patrick. Dès ta sortie de l’école, tu rentreras directement à la maison.

Il a en effet, mis à exécution ses propos. Je l’ai détesté. Défié mon père m’avait excité. Je ne comptais pas céder éternellement à ses attentes. Je n’ai plus couché avec Pat chez lui ou chez moi. Nous le faisions à l’école. Entre deux cours ou pendant la récréation.

L’année suivante, Pat et ses parents ont déménagé. Je suis encore persuadée que mon père n’y est pas pour rien dans ce départ précipité. Je n’ai plus jamais eu de ses nouvelles. Dans la mesure où notre entente était purement sexuelle, le seul manque que j’ai eu était à ce niveau. Il m’a fallu trouver un autre mec pour satisfaire mes besoins. Je suis donc sortie avec un terminale à 15 ans. J’étais en seconde. C’était un bon coup. Mon père qui m’avait lâché un peu la bride m’a vue avec lui un après-midi et a vite compris que Jérémy et moi ne nous fréquentions pas comme de simples potes.  Il a voulu que je leur présente. Je n’ai pas vraiment eu le choix. Il l’a donc menacé et il m’a quittée. Il a renouvelé son scénario d’intimidation sur chacun de mes petits amis. Je ne lui présentais plus mais il réussissait toujours à nous voir ensemble et à les contraindre. J’ai donc détesté cet enfoiré pendant la majeure partie de mon adolescence. Les prises de tête entre lui et moi étaient féroces mais aucun des deux ne lâchait.  

 

Lorsque j’ai eu mon bac et que j’ai réussi à les convaincre par je ne sais quel miracle en fait si je sais comment. J’étais allée à bonne école et avait compris l’art de la manipulation de mon père. J’ai donc agi sur le maillon faible de la famille, ma mère et grâce à elle j’ai pu quitter ma province pour Paris. Dauphine, une super fac me recrutait comment pouvaient-ils refuser ?

Arrivée à Paris, libre, je me suis enfin libérée et j’en ai profité. Je suis partie à la mi-août et je n’arrêtais pas de sortir, je buvais tous les soirs et couchais avec un mec différent. Bien évidemment, je me protégeais, il était hors de question que je fasse un gosse. Le jour de la rentrée, j’ai rencontré une étudiante qui semblait méga coincée. Elle était hautaine et se croyait meilleure que les autres. On se détestait. Je n’avais pas besoin de bosser pour avoir d’excellents résultats. Je sais qu’elle passait ses journées à la BU pour travailler alors que moi non. Pourtant mes résultats étaient toujours supérieurs aux siens. Je profitais de la vie. Un jour, elle m’a fait une réflexion et moi qui ne me laissait atteindre par personne, j’ai été touchée. Sa remarque m’a touchée et une larme a coulé de ma joue. Elle s’est excusée. Je ne remercierai jamais assez ma larme d’avoir coulé car cette fille que je n’aimais pas est devenue ma meilleure amie. Vous avez deviné qu’il s’agissait d’Ashley. A partir de ce jour, nous avons appris à nous connaître. J’ai calmé mes sorties, j’ai appris à plus me respecter et à respecter mon corps. Pour autant, je ne suis pas devenue aussi pure qu’elle. Cela m’était inconcevable. Mais je choisissais, les mecs avec qui je couchais avec plus de soin.  Quand j’ai rencontré ses parents, j’ai compris que l’amour existait. Qu’il pouvait être pur et beau. Nos parents étaient si différents. Notre enfance aussi. Quand elle a rencontré Xavier Lafont, j’ai compris que cet homme était celui qu’il lui fallait et qu’ils étaient faits l’un pour l’autre. Le regard qu’ils ont échangé, et ce que j’ai lu dans leurs yeux à tous les deux étaient juste d’une pureté. Je n’ai plus vraiment eu la même vision de l’amour après ça. Une relation entre eux était impossible, il est vrai mais je ne doutais pas qu’un jour ils se retrouveraient.

— Tu sais très bien qu’il ne se passera jamais rien entre cet homme et moi.

— Je n’ai pas cette vision. Il y a eu une vraie osmose entre vous. Je ne sais pas quand, mais je sais que vous deux vous vivrez quelque chose ensemble.

 

Quand on a appris que sa femme était décédée, j’en ai d’autant plus été certaine.

— C’est un signe.

— Tu parles bien de la mort d’une femme ?

— Quoi ? On ne la connaissait pas. Et elle avait l’air antipathique. Je ne peux pas avoir de la peine pour quelqu’un que je ne connais pas. Désolée, tu m’en demandes trop.

— Au moins compatir au fait qu’il vient de perdre sa femme.

— Justement grâce à toi, il l’oubliera.

— Je t’adore, mais tu es barjot !

— Non. Je suis romantique.

— Tu m’excuseras, mais je trouve ça plutôt glauque que romantique.

 

Avec le temps, je l’ai incité à postuler à son cabinet.

— C’est un signe. Tu ne peux pas passer à côté. Si tu es embauchée avec la quantité de postulants, tu sauras que c’était le destin.

— Je vais postuler même si je ne crois pas en ton fameux destin justement.

J’avais eu raison. Elle avait eu le poste et elle vit une histoire d’amour magnifique avec un type extra.

En ce qui concerne ma relation avec Paul. Le jour de notre rencontre, j’ai vraiment flashé sur lui. On nous a proposé de participer à des procès et naturellement plusieurs d’entre nous ont accepté. Nous devions prendre des notes et faire des synthèses des affaires ainsi que du jugement. Je ne m’attendais pas à tomber sur l’homme de ma vie.

Lorsque je suis arrivée, je me suis assise sur un des sièges du fond. Nous étions plusieurs étudiants. Nous étions le plus discret possible. Le juge Paul Thavers a été annoncé et il est arrivé dans la salle d’audience. Il était à couper le souffle. Il m’a naturellement tapé dans l’œil. Il n’y avait aucune chance qu’il ne me remarque. Je ne suis absolument rien. Ce beau blond aux yeux verts me faisait vraiment de l’effet. Il ne m’a même pas jeté un regard. J’y suis allée plusieurs fois avant qu’il ne pose les yeux sur moi. Je n’ai plus été intéressée par un autre homme dès le jour que je l’ai rencontré. Ils ne me faisaient plus aucun effet et je n’avais pas non plus envie de coucher avec qui que ce soit. Je rêvais de lui, de son corps contre le mien.

À plusieurs reprises, j’ai croisé le malheureux Xavier CHOLAT, cependant Ashley n’a jamais voulu m’accompagner. Elle refusait de rater les cours. Pff. Heureusement qu’il a fini par la dérider.

Un mardi, j’ai pris mon courage à deux mains et je suis allée lui proposer une interview. J’ai donc improvisé un gros bobard pour avoir son téléphone.

— Bonjour Juge Thavers. Je m’appelle Aurore Romani.

Il m’a serrée la main et fait un énorme sourire charmeur. J’étais déjà charmée, il a fini de me prendre dans ses filets.

— Je suis étudiante à Dauphine et je voudrai vous interviewer pour le journal de ma fac.

— Avec plaisir.

— Accepteriez-vous de me donner votre numéro. Je vous appellerai afin de convenir d’un jour ensemble pour faire l’interview ? Qu’en pensez-vous ?

— C’est une excellente idée.

Il me donne son téléphone et me demande de faire sonner le sien afin d’avoir le mien.

— Vous comprenez, je ne réponds pas aux numéros que je ne connais pas.

— J’imagine, en effet.

 

Peu de temps plus tard, il m’a appelée et proposé de boire un verre bien avant que je le contacte pour l’interview. Je lui ai avoué le soir de notre premier rendez-vous que j’avais manigancé cela pour avoir son numéro. Nous nous sommes rapidement tutoyés.

— J’en suis ravi. Je t’ai repéré depuis le premier jour de votre venue. Je cherchais un moyen de t’approcher. Tu m’as devancé.

Nous avons souri.

— Tu attends quoi de cette soirée ? m’a-t-il demandé de manière directe.

— Et toi ?

— J’ai envie de toi.

— Sans doute pas autant que moi, Paul.

Nous sommes rentrés chez moi. Quelle ne fut pas ma surprise de lire qu’Ashley était allée chez son patron, Xavier. J’espérais qu’elle couche avec lui. Mais je savais qu’il lui faudrait plus de temps pour réussir cet exploit.

Paul a trouvé notre appart bien sympa. A peine après m’avoir dit cela, il s’est jeté sur moi et nous avons fait l’amour pendant des heures durant sans répit. Je n’avais jamais vécu cela. Je n’avais jamais eu un tel amant. On sentait l’homme expérimenté. Notre relation ne s’est jamais amenuisée. Tout est si parfait avec lui.

 

Lorsque nous sommes arrivés chez mes parents, mon père a vu notre relation d’un mauvais œil. Il n’a pas eu à ouvrir la bouche que dans ses yeux j’ai vu qu’il ne l’appréciait pas. 

— Papa, maman, je vous présente Paul Thavers.

Je ne m’attendais pas à ce qui a suivi.

— Comme je sais que ça ne marchera pas, je ne vais pas faire semblant de lui faire croire que je l’aime, se permit mon père.

— Pardon ?

Ses paroles étaient choquantes.

Ma maman lui a donné un gros coup de coude.

— Quoi, c’est ton combientième amant ? Le soixantième, le centième même. Depuis le temps que tu es à Paris…

— Papa, je t’en prie.

— Tu ne lui as pas dit que tu couches avec des mecs depuis tes quatorze ans ?

Paul voit comme je suis gênée et honteuse.

La journée chez eux a été très pénible pour nous.

Le chemin de retour s’est fait dans le calme.

J’ai fini par lui demander, après deux heures dans une atmosphère froide.

— Je te dégoutte ?

— Non !

— Tu mens !

—  Je n’ai pas de dégoût pour toi. J’aurai simplement préféré l’apprendre de ta part.

— Te dire quoi ? Que j’ai couché pour la première fois à 14 ans ou que j’ai baisé avec énormément de mecs.

— Les deux.

— Tu crois que c’est un passé dont je suis fière ?

— J’espère bien !

— Arrête la voiture.

— Pourquoi ?

— Je t’ai dit d’arrêter ta putain de voiture !

Il s’est arrêté et j’en ai profité pour sortir.

— Maintenant casse-toi ! La pute que je suis trouveras bien un mec pour la ramener chez elle. Peut-être aussi qu’il me baisera.

Il est sorti de la voiture.

— Je ne partirai pas sans toi, me hurle-t-il.

— Pourquoi ? Je te répugne alors je pense que nous n’avons rien à faire ensemble. J’ai eu un passé chaotique. Je ne l’ai raconté à personne. Même Ashley, ne sait pas tout. Comment peut-on le dire hein ? Mon père n’a fait que ça. Chaque fois qu’il savait que je sortais avec un mec, il le faisait fuir. Mon adolescence était pourrie. J’ai fait des conneries. Beaucoup, cependant depuis que je connais Ashley, je me suis assagie et depuis que je te connais, je ne veux plus aucun autre homme. Je ne le conçois pas. Je ne le veux plus. Je t’aime Paul. Si mon passé t’atteint c’est que l’on n’est pas fait l’un pour l’autre.

Il réfléchit alors que ses yeux sont rivés, noyés dans les miens.

— Je suis choqué, je ne peux le nier. Cependant, je t’aime plus que tout et rien ne changera mes sentiments à ton égard, tu m’entends ?

Sa voix était devenue douce. Il s’est approché et m’a pris dans ses bras. Je me suis mise à pleurer. Il m’a embrassée et nous sommes restés là un moment.

Les deux fois suivantes, mon père a à nouveau eu cette attitude mais à la quatrième, Paul a pris confiance et s’était permis de le remettre à sa place.

— Monsieur, je ne connaissais pas Aurore à cette époque. Elle était jeune, elle a fait des bêtises, vous avez je le pense, vous aussi votre responsabilité dans la vie débridée de votre fille à une période de sa vie. Je suis heureux avec elle. Je l’ai connue à la bonne époque et peu importe ce que vous me direz, je la connais assez pour savoir que je l’aime et que j’ai envie de faire ma vie avec elle. Alors cessez votre petit jeu ! Vous devriez avoir honte ! Votre fille malgré ses erreurs de jeunesse ne mérite-t-elle pas d’être heureuse ? Si je vous entends encore une seule fois faire une remarque sur sa vie d’avant, nous partirons et je crois que nous ne reviendrons jamais plus chez vous. Vu la façon dont vous la traiter, je pense qu’elle ne s’en portera pas plus mal.

Mon père était un être odieux. Pour la première fois sans doute, il était tombé sur un homme qui ne se laissait pas intimider. Il était à la fois choqué et ravie du caractère de Paul. J’ai senti dans son rictus qu’il l’admirait pour son courage. Peut-être aussi le fait d’avoir entendu que Paul m’aimait l’avait calmé.

J’ai appris un peu plus tard, qu’il trouvait que Paul était trop beau pour être sincère. Son speech lui avait fait prendre conscience que c’était l’homme de ma vie et qu’il avait été con. Il ne s’est plus jamais permis de faire de remarque me concernant. Il a même appris à connaître Paul et l’entente entre les deux hommes est devenue cordiale.

Ce qui est drôle en y repensant, c’est que mon père joue avec mes enfants. Il en est gaga. Je n’ai jamais eu cette relation avec lui.

J’en ai même été jalouse pendant un temps. Paul m’a rassurée.

— Au lieu d’être jalouse, tu devrais en être ravie, ma chérie.

— C’est quand même dur à encaisser, je dois te l’avouer.

— Tu aurais préféré qu’il soit indifférent ? Qu’il les déteste et le leur dise ouvertement.

Bien sûr que non, Paul avait raison.

— Non. En effet, c’est mieux ainsi.

Il m’a fait un énorme sourire et un gros câlin.

 

J’en ai quand même fait part à mon père un jour.

— Papa, je suis contente qu’au moins tu aimes Sarah et Corentin.

Il m’a regardée, étonné. Puis, il a compris.

— J’ai été le pire père que l’on pouvait souhaiter. J’ai tout gâché avec toi. Je n’ai jamais su comment te montrer que je tenais à toi.

Là, c’est moi qui aie été choquée par ses révélations.

— Tu es ma fille, je suis un gros con, mais je t’aime. Et comme je n’ai pas su te le montrer, je me suis dit que je ne devais pas faire la même erreur avec mes petits-enfants. Tu as un super mari, pas grâce à moi. Je devais faire mon mea culpa pour tout ce que je t’ai fait vivre. Ça ne rattrapera jamais tout, mais je me dis que tu apprécies de me voir proche d’eux.

— Oui. Merci papa.

Il m’a pris dans ses bras et j’ai senti une larme couler de sa joue sur mes cheveux.

— J’espère qu’un jour tu me pardonneras ma chérie.

— Je t’ai déjà pardonné.

Nous n’avons plus reparlé de nos sentiments et de mon enfance pourrie. On profitait du plaisir que nous tirions à être ensemble tout simplement.

Je n’ai jamais pu tout raconter à Ashley. J’ai mon jardin secret que je partage malgré moi avec mon mari. Heureusement qu’il a été compréhensif. J’ai encore honte de ma vie d’avant. Si Paul n’a pas fui, c’est que j’ai changé et que je mérite comme tout le monde une seconde chance.

Vous me connaissez mieux. J’espère que vous aussi n’avez pas une vision de moi trop négative. J’ai évolué et grandi.

Ce n’est pas que je m’ennuie, mais je reçois Ashley et sa famille, alors je vais me mettre aux fourneaux.  Merci de m’avoir lu.

 

23 mai 2019

Marie Choose her destiny : Rencontre Choix 2

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RENCONTRE Choix 2

 

J’ai hâte de retrouver ma sœur. Elle se marie ce week-end. Partager ce moment riche en émotions sera génial. Et puis, qui sait, peut-être que le témoin de Max sera canon. Arrête de rêver ma vieille, à tous les coups, le mec, il sera moche et petit. Bref, pas du tout mon style.

Elle habite à Montpellier, moi à Enghien, en banlieue parisienne. Ma sœur et moi ne nous sommes pas vues depuis les vacances de Noël, bien que, approche du mariage oblige, nous avons régulièrement communiquées via Facetime.

Cette matinée printanière est agréable. Je bénéficie du pont de l’ascension. Ainsi, je peux partir aujourd’hui mercredi 29 mai et les aider au mieux dans les derniers préparatifs.

Je me dépêche pour ne pas manquer mon train à la gare de Lyon.

Je me dépêche pour ne pas être en retard. J’habite en face de la gare. Je connais les horaires de passage du train par cœur et je suis toujours un peu en avance sur le quai. Aujourd’hui est un jour spécial. Je suis stressée. J’ai pris plus de temps que d’habitude. Lorsque j’arrive sur le quai, le train est déjà là. Ouf…  

 

À Montpellier, il n’y a pas photo, les gens sont beaucoup moins speed et prennent vraiment le temps de vivre. Enfin, impossible de muter là-bas avant dix ou quinze ans.

Je m’installe, direction gare du nord. Puis RER D. Je prends le TGV à 10h25 et il est déjà 9h40. Si je rate le RER, je raterai à coup sûr mon train. Pas de panique, Marie. Tu portes bien ton prénom, non ? Allez, on croit au miracle. Enfin, nous arrivons. Je cours dans l’Escalator. Deux minutes plus tard, j’arrive à quai. Le RER est à l’approche. Ouf.

À 10h17, je descends à gare de Lyon. Direction les trains grandes lignes. Je bouscule un mec. Mince. Il fait tomber un attaché-case en cuir, qui s’ouvre. Un tas de dossiers et feuilles s’éparpillent sur le sol.

Je m’excuse et m’en vais.

— Désolée.

Je le laisse donc se dépatouiller et file. À 10h21, je m’installe enfin sur mon siège, après avoir déposé ma valise dans l’espace prévu à cet effet. Je peux souffler. Merci Marie. Il n’y a personne à côté de moi, cool. Le wagon est blindé pourtant. J’ai vraiment de la chance.

Je sors un paquet de copies de mon sac. Un des derniers avant la fin de l’année.

J’ai une pensée pour le mec que j’ai bousculée. Je ne sais même pas à quoi il ressemble. Le train ferme les portes et nous partons.

— Il fallait que je sois placé à côté d’une folle !

Je me rends compte que c’est de moi qu’on parle en levant la tête. Un homme en colère m’observe.

— Pardon ? demandé-je incrédule.

— Oui, je le répète, une folle !

Il croise les bras.

Je suis en colère.

— On ne se connaît pas monsieur, bredouillé-je gênée.

Pourquoi cet homme me parle-t-il ainsi ?

— Vous m’insultez et c’est moi la folle ?

— Parce qu’en plus, vous ne me reconnaissez pas ?

— Je le devrais ?

— Oui !

— Ah bon ?

Je dois calmer le jeu, tout le monde nous observe. J’en déduis que c’est mon voisin de siège. Le trajet risque d’être long. On ne perd surtout pas son calme dans ce genre de situations.

— Vous pourriez vous asseoir et m’expliquer ? J’ai horreur de me donner en spectacle.

— Vraiment ? Il fallait y penser avant de me bousculer !

Il a haussé le ton. Pour sûr, tout le wagon l’a entendu. Je deviens rouge pivoine, en réalisant de qui il s’agit.

Je suis vraiment de mauvaise foi. J’en rigole intérieurement.

— Je me suis tout de même excusée, souris-je dans le but de l’apaiser.

— Et pour vous cela suffit ?

— J’avais peur de louper mon train. D’habitude... commencé-je à me défendre.

Il m’interrompt.

— Trop facile. Et à cause de vous, j’ai failli manquer le mien.

La moutarde me monte au nez. Ce mec est vraiment désagréable.

— Ça vous arrive de ne pas couper la parole des autres ? rugis-je.

— Ça vous arrive d’être aimable avec les autres ? répond-il.

Je me rends compte du ridicule de la situation.

Je suis butée.

— Vous vous prenez la tête pour rien. Vous ne l’avez pas raté votre train. La preuve, vous m’enquiquinez depuis cinq minutes déjà…

Il est effaré.

Oui. Et puis, on ne répond pas à une question par une autre, c’est impoli ! dis-je fièrement.

— Dixit celle qui culbute les gens et ne s’excuse même pas !

Il se donne toujours en spectacle.

Il fallait que ce type soit dans mon train. Pire encore, à côté de moi !

— Et si vous commenciez par vous asseoir ?

Ses yeux brillent de malice. Il est amusé aussi par ces circonstances cocasses.

— Je dois vous avouer que...

— Allez ! Promis, je m’excuserai après de ne pas vous avoir aidé.

Ma petite moue a raison de lui.

— Ok.

Il s’installe.

Il aperçoit mes copies et ajoute :

— Une prof ? Pas étonnant que les jeunes sont si impolis maintenant.

Je crois qu’il me cherche vraiment. On ne touche pas à mon boulot, sinon je mords.

— Vous êtes sérieux, là ?

— Bon, c’est vrai que c’est un peu cliché.

Je souris, lui aussi. Il dévoile de belles dents blanches. Je l’observe enfin vraiment. Il est pas mal du tout... Grand brun aux yeux verts, baraqué, chemise en cuir, pantalon jean, polo.

— Je suis terriblement désolée. Je ne suis pas ainsi d’habitude.

— J’ai du mal à vous croire.

— C’est juste que je suis attendue. Je ne voulais vraiment pas manquer mon train.

— Vous ne vous êtes pas dit que moi-aussi, je pouvais être attendu ?

— Je n’y ai pas songé.

— Enfin.

— Et si je vous payais un verre pour me faire pardonner ?

— J’en dis que c’est une excellente idée. Et le moins que vous puissiez faire !

Prends ça dans tes dents !

— On ne se connaît pas, c’est tout de même sympa de ma part. Appréciez mon geste au lieu de le mépriser ! râlé-je.

Il sourit.

— Surtout que je vais jusqu’à Montpellier.

— Ah, vous aussi ? soupiré-je.

Zut, je me rends compte trop tard du ton employé.

— Euhhhh dites-le, si je vous emmerde surtout ! me lance-t-il vexé.

— Non. J’étais juste surprise. Aucun souci pour moi. Au fait, je m’appelle Marie, me présenté-je afin de détendre définitivement l’atmosphère.

— Thibault.

— Enchantée Thibault. On va le boire, ce verre ?

— Je vous suis.

Il se lève et quitte sa place. Je range mes copies dans mon sac et sors à mon tour. Les gens nous regardent avec un sourire en coin.

Je prends les devants et nous voilà marchant vers le wagon restaurant. Je sens qu’il me mate, même si je ne le vois pas. Ma robe semble soudain trop courte.

Je me dandine fière d’avoir opté pour des collants qui accentuent mes jambes fines.

— Tu es quand même bien foutu !

Il n’a donc pas loupé mon déhanché.

Je ne relève pas.

Je n’aime pas l’alcool. Je suis plutôt soda.

— Un jus de pomme, s’il vous plaît Monsieur.

— Pareil, s’il vous plaît.

Nous nous installons au bar. Thibault me fixe un moment.

— Je peux savoir pourquoi tu m’observes comme ça ?

— On peut dire que toi, tu es…

— Folle ?

— Non, plutôt directe.

Je souris. Ouf. Il ne me trouve donc plus folle. Je constate aussi qu’Il est passé au tutoiement.

— Je suis pardonnée, alors ?

Le serveur nous serre. Nous le remercions.

J’hésite encore.

— Tous tes papiers qui sont tombés, j’espère ne rien avoir abimé ?

— Non. Il me faudra les remettre en ordre, tout simplement.

— Pour le boulot ?

— Oui.

— Tu bosses dans quoi ?

— Je suis architecte.

— Oh. Tu dois bien dessiner ? m’extasié-je.

— Elémentaire, mon cher Watson.

— Tu te fous de moi ?

— Un peu oui. Tu dois aimer bosser avec les enfants ? poursuit-il, histoire d’enfoncer le clou.

— Je suis blonde, que veux-tu ?

— Une très belle blonde.

Comment ne pas rougir ?

— Oh enfin, un compliment !

— Je sais en faire, quand on est sympa avec moi.

— Tu vas seul à Montpellier ?

— En gros, tu veux savoir si je suis en couple ?

Je n’y avais même pas pensé.

Je n’avais pas vu les choses ainsi. Enfin, il est pas mal. Autant le savoir…

— Euhhhh, non. C’est juste pour alimenter la conversation.

— Ah ok.

Il hésite quelques secondes et continue.

— Oui, mon mec m’attend là-bas. Il viendra me chercher à la gare.

Je manque m’étouffer.

— Ça va ?

Je me reprends immédiatement.

— Oui, oui. D’accord.

Il faut avouer que je suis déçue. Il était trop beau pour être célibataire de toute façon. Quel gâchis pour nous !

— Et toi ?

Autant être honnête aussi.

— Eh bien, pas de petit ou petite amie qui m’attend. Je vais voir ma sœur.

Je ne lui parle pas du mariage après tout cela ne le regarde pas.

Il sourit.

— Etonnant, tu es quand même pas mal du tout.

— Mouais.

— Quoi ?

— Rien.

Le mec, il aime les hommes. Je ne suis clairement pas son type. C’est quoi ces réflexions, du coup ?

— Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ? osé-je.

— Curieuse. Quelques années, oui.

— Et...

Je me tortille dans ma chaise.

— Tu veux savoir si je l’ai toujours su et bla bla bla...

Je rougis de honte.

— La réponse est oui. Mes parents ne l’acceptent pas. Nous vivons à 800km l’un de l’autre. Pour l’instant, ça nous convient.

— D’accord.

On ne voit pas le temps passer. Je suis tellement déçue d’arriver bientôt. Pourquoi ? Tu n’as aucune chance de toute façon.

Je ne l’ai quitté que quelques minutes pour aller aux toilettes.

— On arrive dans moins d’une demi-heure. Tu n’auras pas corrigé ton paquet.

J’observe mes copies que j’avais ressorties en retournant à ma place.

— Tant pis. Le temps est passé bien plus vite !

— Mes dossiers aussi ne sont toujours pas classés.

Je grimace, me rappelant que cela est ma faute.

Je soulève les épaules avec un sourire penaud, en guise d’excuse.

— Ne t’inquiète pas, je trouverai un peu de temps pour m’en occuper pendant ce long week-end.

— Je l’espère.

— Tu ne bosses pas le mercredi ?

— Non.

— Instit ?

— Non, prof d’anglais.

— Ah oui, cool alors. Je me déplace souvent à Londres pour le boulot. J’aime bien la langue.

— Moi aussi.

— Tu enseignes à Paris ?

— Non, à Enghien.

— C’est marrant, j’habite à côté.

— Ah bon ?

— Oui à la Barre Ormesson. Je suis en face de la gare.

— Une belle coïncidence, en effet. Moi je vis en face de celle d’Enghien.

Nous rigolons.

— On était destiné à se rencontrer.

— Dommage que tu sois déjà en couple, hein !

Et puis, combien même il ne l’avait pas été, ça n’aurait rien changé.

Il sourit, un peu moqueur. Forcément, il s’en fiche.

Je retrouve contenance.

Le train arrive à destination. Nous voilà à la gare Saint Roch. Mon futur beau-frère est censé me récupérer moi et son témoin, apparemment célibataire et hétéro. Avec un peu de chance, il sera sympa aussi. J’oublierai rapidement Thibault. Je suis vraiment dégoûtée. Il me plaisait vraiment !

— Nos chemins vont se séparer ici.

Coïncidence, coïncidence, hein ? Mais purée, pourquoi n’est-il pas célibataire et hétérosexuel ?

— Oui. Je te souhaite un bon séjour.

— Toi aussi.

Il m’aide à porter ma valise. Nous sortons du train. Nous marchons côte à côte. On dirait des condamnés qui marchent vers l’échafaud. Nos chemins vont en effet bientôt se séparer. Sans doute pour toujours. Je suis tellement triste. Bizarrement, je ressens la même déception de son côté. Je connais Thibault depuis à peine plus de trois heures et pourtant, j’imagine que tous les deux, nous aurions pu... S’il n’avait pas été... Stop. Lâche l’affaire.

— Au fait, que viens-tu faire à Montpellier ? me demande-t-il.

Je n’ai pas le temps de répondre. La voix de mon beau-frère résonne.

— Enfin, vous voilà !

Il s’approche. Il m’embrasse. Puis, il prend Thibault dans ses bras et lui donne une tape dans le dos.

Je suis perdue. Il fait quoi, là ? Je m’apprête à lui expliquer que Thibaut ne m’accompagne pas, quand je comprends soudain.

— C’est bon, alors, vous avez fait connaissance ?

Thibault est l’ami de Max ? Nous haussons tous les deux nos sourcils. Pas pour les mêmes raisons.

— Tu es la belle-sœur de Max ?

— Tu es son témoin ?

— Oui.

— Ah zut !

— Tu peux le dire !

Il se tait et me fixe.

— Tu ne m’as pas dit...

— Je te faisais marcher, ma belle.

— Tu es sérieux ?

Je me rends compte que le mec n’a pas cessé de me mentir. Mon visage se ferme. Il s’approche. Je le stoppe d’une main.

— Ne m’approche surtout pas.

— Je...

— Non, je ne veux rien entendre qui sorte de ta bouche.

— Max, dépose-moi à mon hôtel, s’il te plaît.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Il ne comprend pas, évidemment.

— Il se passe que ton ami et moi étions côte à côte dans le TGV et qu’il m’a raconté que des bobards.

— Ah oui ? Du genre ?

— Il m’a fait croire qu’il allait voir son mec.

Max explose de rire. Moi je ne trouve pas ça drôle du tout. Mon égo en a pris un coup.

— Si je ne te plaisais pas, il suffisait de me le dire.

— Ce...

— Non, inutile.

— Thibault est très taquin, commence Max.

— Ne le défend pas, s’il te plaît.

Max se tait et lance un regard penaud à son pote. Nous voilà partis. Aucun de nous ne parle. Les deux hommes sont à l’avant. Moi je regarde le paysage pour ne pas avoir à l’affronter. Le week-end sera long.

Il me dépose enfin. L’atmosphère était pensante dans ce petit espace confiné. Thibault descend aussi.

— Moi aussi, je suis dans cet hôtel, me sort-il rapidement avant que je ne prononce un mot.

C’est bien ma veine !

— À ce soir, Max.

— À ce soir, Marie. A tout’ Thibault.

— Ouais, mec.

Il s’en va après avoir gratifié son ami d’une accolade.

Je me rue à la réception pour ne pas avoir à lui parler. Je récupère mes clés et m’en vais sans un regard pour le beau Thibault. Pourquoi avoir menti ? J’aurais mille fois préféré qu’il me dise honnêtement que je n’étais pas son genre. J’ai presque envie de pleurer.

J’envoie un SMS à ma sœur, qui est au boulot, pour lui dire que je suis bien arrivée et que je déteste Thibault. Que Max lui racontera.

Tu le détestes, hein ?

Je prends mon paquet de copie et commence à corriger. Autant trouver une activité plutôt que de cogiter.

Au bout de trois copies, une feuille pliée apparaît. Ça vient d’où, ça ? Je la déplie et lis.

« Je suis désolé de t’avoir fait marcher voire courir à certains moments. C’était un peu ma façon de me venger. Mouais, je sais c’est nul. Je suis un peu rancunier. J’espère que tu ne m’en veux pas trop ? Je suis bel et bien hétéro et célibataire. Max n’est que mon pote. Tu me plais vraiment. Si tu veux qu’on fasse plus ample connaissance voici mon numéro... »

Quelle belle calligraphie ! Il y a des petits dessins autour du texte. Un homme qui tient des fleurs et les offre à une femme. Puis, ils sont assis au restaurant, puis ils admirent un coucher de soleil. Quand est-ce qu’il a eu le temps de dessiner et d’écrire ce message ? Je ne l’ai quittée que quelques fois pour aller aux toilettes. Cet homme est extraordinaire. Hors de question que je passe à côté de ça. Je me sens subitement bête et gênée. Tant pis !

Je prends mon portable et compose son numéro. Je tente l’humour.

— Tu dois vraiment me trouver folle, non ?

— Un peu ouais, l’entends-je sourire. Pour autant, j’ai vraiment envie de faire plus ample connaissance avec toi. J’ai la certitude que les coïncidences ne mentent jamais. Qu’en penses-tu ?

— Pareil. Tu aimes jouer avec le feu !

— On peut dire ça comme ça. Je peux venir ?

— Je t’attends...

Deux minutes plus tard, je referme la porte derrière lui... Il m’enlace et m’embrasse avec fougue. Waouh, je suis en émoi. J’ai des papillons partout dans le corps. Un début de relation à la fois excitant et tumultueux, mais surtout prometteur. Enfin, l’avenir est clairement devant nous.

Fin...

23 mai 2019

Marie Choose her destiny : Rencontre choix 1

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RENCONTRE choix 1

 

J’ai hâte de retrouver ma sœur. Elle se marie ce week-end. Partager ce moment riche en émotions sera génial. Et puis, qui sait, peut-être que le témoin de Max sera canon. Arrête de rêver ma vieille, à tous les coups, le mec, il sera moche et petit. Bref, pas du tout mon style.

Elle habite à Montpellier, moi à Enghien, en banlieue parisienne. Ma sœur et moi ne nous sommes pas vues depuis les vacances de Noël, bien que, approche du mariage oblige, nous avons régulièrement communiquées via Facetime.

Cette matinée printanière est agréable. Je bénéficie du pont de l’ascension. Ainsi, je peux partir aujourd’hui mercredi 29 mai et les aider au mieux dans les derniers préparatifs.

Je me dépêche pour ne pas manquer mon train à la gare de Lyon.

J’ai un gros défaut, j’ai du mal avec la ponctualité.

Bien qu’habitant en face de la gare, j’ai failli rater la ligne H. Courir pour prendre un transport, fait partie de mon quotidien.

À Montpellier, il n’y a pas photo. Les gens sont beaucoup moins speed et prennent vraiment le temps de vivre. Enfin, impossible de muter là-bas avant dix ou quinze ans.

Je m’installe, direction gare du nord. Puis RER D. Je prends le TGV à 10h25 et il est déjà 9h40. Si je rate le RER, je raterai à coup sûr mon train. Pas de panique, Marie. Tu portes bien ton prénom, non ? Allez, on croit au miracle. Enfin, nous arrivons. Je cours dans l’Escalator. Deux minutes plus tard, j’arrive à quai. Le RER est à l’approche. Ouf.

À 10h17, je descends à gare de Lyon. Direction les trains grandes lignes. Je bouscule un mec. Mince. Il fait tomber un attaché-case en cuir, qui s’ouvre. Un tas de dossiers et feuilles s’éparpillent sur le sol.

En temps normal, je me serais excusée et l’aurais aidé. Là, je n’avais vraiment pas le temps.

Je le laisse donc se dépatouiller et file. À 10h21, je m’installe enfin sur mon siège, après avoir déposé ma valise dans l’espace prévu à cet effet. Je peux souffler. Merci Marie. Il n’y a personne à côté de moi, cool. Le wagon est blindé pourtant. J’ai vraiment de la chance.

Je sors un paquet de copies de mon sac. Un des derniers avant la fin de l’année.

J’ai une pensée pour le mec que j’ai bousculée. Je ne sais même pas à quoi il ressemble. Le train ferme les portes et nous partons.

— Il fallait que je sois placé à côté d’une folle !

Je me rends compte que c’est de moi qu’on parle en levant la tête. Un homme en colère m’observe.

— Pardon ? demandé-je incrédule.

— Oui, je le répète, une folle !

Il croise les bras.

Je suis en colère.

— Non mais vous vous prenez pour qui ?

— Vous m’insultez et c’est moi la folle ?

— Parce qu’en plus, vous ne me reconnaissez pas ?

— Je le devrais ?

— Oui !

— Ah bon ?

Je dois calmer le jeu, tout le monde nous observe. J’en déduis que c’est mon voisin de siège. Le trajet risque d’être long. On ne perd surtout pas son calme dans ce genre de situations.

— Vous pourriez vous asseoir et m’expliquer ? J’ai horreur de me donner en spectacle.

— Vraiment ? Il fallait y penser avant de me bousculer !

Il a haussé le ton. Pour sûr, tout le wagon l’a entendu. Je deviens rouge pivoine, en réalisant de qui il s’agit.

— Je... euh, je suis...m’embrouillé-je.

— C’est un peu tard pour vous excuser !

— J’avais peur de louper mon train. D’habitude... commencé-je à me défendre.

Il m’interrompt.

— Trop facile. Et à cause de vous, j’ai failli manquer le mien.

La moutarde me monte au nez. Ce mec est vraiment désagréable.

— Ça vous arrive de ne pas couper la parole des autres ? rugis-je.

— Ça vous arrive d’être aimable avec les autres ? répond-il.

Je me rends compte du ridicule de la situation.

Je trouve la situation drôle.

Je ne peux m’empêcher d’éclater de rire.

— Vous trouvez ça drôle ?

— Oui. Et puis, on ne répond pas à une question par une autre, c’est impoli ! dis-je fièrement.

— Dixit celle qui culbute les gens et ne s’excuse même pas !

Il se donne toujours en spectacle.

Il fallait que ce type soit dans mon train. Pire encore, à côté de moi !

— Et si vous commenciez par vous asseoir ?

Ses yeux brillent de malice. Il est amusé aussi par ces circonstances cocasses.

— Je dois vous avouer que...

— Allez ! Promis, je m’excuserai après de ne pas vous avoir aidé.

Ma petite moue a raison de lui.

— Ok.

Il s’installe.

Il aperçoit mes copies et ajoute :

— Une prof ? Pas étonnant que les jeunes sont si impolis maintenant.

Je crois qu’il me cherche vraiment. On ne touche pas à mon boulot, sinon je mords.

— Vous êtes sérieux, là ?

— Bon, c’est vrai que c’est un peu cliché.

Je souris, lui aussi. Il dévoile de belles dents blanches. Je l’observe enfin vraiment. Il est pas mal du tout... Grand brun aux yeux verts, baraqué, chemise en cuir, pantalon jean, polo.

— Je suis terriblement désolée. Je ne suis pas ainsi d’habitude.

— J’ai du mal à vous croire.

— C’est juste que je suis attendue. Je ne voulais vraiment pas manquer mon train.

— Vous ne vous êtes pas dit que moi-aussi, je pouvais être attendu ?

— Je n’y ai pas songé.

— Enfin.

— Et si je vous payais un verre pour me faire pardonner ?

— J’en dis que c’est une excellente idée. Et le moins que vous puissiez faire !

Prends ça dans tes dents !

Je change de sujet.

— On va devoir se supporter un moment, en plus.

Il sourit.

— Surtout que je vais jusqu’à Montpellier.

— Ah, vous aussi ? soupiré-je.

Zut, je me rends compte trop tard du ton employé.

— Euhhhh dites-le, si je vous emmerde surtout ! me lance-t-il vexé.

— Non. J’étais juste surprise. Aucun souci pour moi. Au fait, je m’appelle Marie, me présenté-je afin de détendre définitivement l’atmosphère.

— Thibault.

— Enchantée Thibault. On va le boire, ce verre ?

— Je vous suis.

Il se lève et quitte sa place. Je range mes copies dans mon sac et sors à mon tour. Les gens nous regardent avec un sourire en coin.

Je prends les devants et nous voilà marchant vers le wagon restaurant. Je sens qu’il me mate, même si je ne le vois pas. Ma robe semble soudain trop courte.

J’ai chaud. Je suis gênée par son regard sur mon corps.

J’essaie de la tirer.

— Elle te va bien. Inutile de la distordre.

— Ah ! Ah !

— Et puis avec tes collants, tes jambes ne sont pas nues...

Je ne relève pas.

J’aime bien boire en temps normal de l’alcool. D’ailleurs, j’aurais bien bu une bière, mais il faut que je garde les idées fraîches. Je boirai sans doute déjà pas mal tout le week-end, autant limiter pour aujourd’hui.

— Un jus de pomme, s’il vous plaît Monsieur.

— Pareil, s’il vous plaît.

Nous nous installons au bar. Thibault me fixe un moment.

Je plaisante malgré ma gêne.

— J’ai les yeux sales ou quoi ?

— Pas du tout. Tu es...

— Folle ?

— Non, plutôt directe.

Je souris. Ouf. Il ne me trouve donc plus folle. Je constate aussi qu’Il est passé au tutoiement.

— Je suis pardonnée, alors ?

Le serveur nous serre. Nous le remercions.

J’hésite encore.

— Tous tes papiers qui sont tombés, j’espère ne rien avoir abimé ?

— Non. Il me faudra les remettre en ordre, tout simplement.

— Pour le boulot ?

— Oui.

— Tu bosses dans quoi ?

— Je suis architecte.

— Oh. Tu dois bien dessiner ? m’extasié-je.

— Elémentaire, mon cher Watson.

— Tu te fous de moi ?

— Un peu oui. Tu dois aimer bosser avec les enfants ? poursuit-il, afin d’enfoncer le clou.

— Je suis blonde, que veux-tu ?

— Une très belle blonde.

Comment ne pas rougir ?

— Oh enfin, un compliment !

— Je sais en faire, quand on est sympa avec moi.

— Tu vas seul à Montpellier ?

— En gros, tu veux savoir si je suis en couple ?

Il m’a grillé.

Je rougis instantanément.

— Euhhhh, non. C’est juste pour alimenter la conversation.

— Ah ok.

Il hésite quelques secondes et continue.

— Oui, mon mec m’attend là-bas. Il viendra me chercher à la gare.

Je manque m’étouffer.

— Ça va ?

— Oh merde ! Alors celle-là, je ne m’y attendais pas !

Je reprends contenance.

Je me reprends immédiatement.

— Oui, oui. D’accord.

Il faut avouer que je suis déçue. Il était trop beau pour être célibataire de toute façon. Quel gâchis pour nous ! J’avais vraiment l’impression de lui plaire.

— Et toi ?

— J’ai un merveilleux petit ami.

Je ne peux pas lui dire que je suis seule maintenant qu’il a vu ma déception. Je mens tellement mal qu’il me grille.

— Menteuse !

— Non !

Je ne lui parle pas du mariage après tout cela ne le regarde pas.

Il sourit.

— Etonnant, tu es quand même pas mal du tout.

— Mouais.

— Quoi ?

— Rien.

Le mec, il aime les hommes. Je ne suis clairement pas son type. C’est quoi ces réflexions, du coup ?

— Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ? osé-je.

— Curieuse. Quelques années, oui.

— Et...

Je me tortille dans ma chaise.

— Tu veux savoir si je l’ai toujours su et bla bla bla...

Je rougis de honte.

— La réponse est oui. Mes parents ne l’acceptent pas. Nous vivons à 800km l’un de l’autre. Pour l’instant, ça nous convient.

— D’accord.

On ne voit pas le temps passer. Je suis tellement déçue d’arriver bientôt. Pourquoi ? Tu n’as aucune chance de toute façon.

Je me sentais si bien avec lui que je ne l’ai quitté que quelques minutes pour aller aux toilettes.

— On arrive dans moins d’une demi-heure. Tu n’auras pas corrigé ton paquet.

J’observe mes copies que j’avais ressorties en retournant à ma place.

— Tant pis. Le temps est passé bien plus vite !

— Mes dossiers aussi ne sont toujours pas classés.

Je grimace, me rappelant que cela est ma faute.

Je soulève les épaules avec un sourire penaud, en guise d’excuse.

— Ne t’inquiète pas, je trouverai un peu de temps pour m’en occuper pendant ce long week-end.

— Je l’espère.

— Tu ne bosses pas le mercredi ?

— Non.

— Instit ?

— Non, prof d’anglais.

— Ah oui, cool alors. Je me déplace souvent à Londres pour le boulot. J’aime bien la langue.

— Moi aussi.

— Tu enseignes à Paris ?

— Non, à Enghien.

— C’est marrant, j’habite à côté.

— Ah bon ?

— Oui, à la Barre Ormesson. Je suis en face de la gare.

— Une belle coïncidence, en effet. Moi, je vis en face de celle d’Enghien.

Nous rigolons.

— On était destiné à se rencontrer.

J’y vais franco !

— Pas vraiment, tu es homo !

Il sourit, un peu moqueur. Forcément, il s’en fiche.

Je retrouve contenance.

Le train arrive à destination. Nous voilà à la gare Saint Roch. Mon futur beau-frère est censé me récupérer moi et son témoin, apparemment célibataire et hétéro. Avec un peu de chance, il sera sympa aussi. J’oublierai rapidement Thibault. Je suis vraiment dégoûtée. Il me plaisait vraiment !

— Nos chemins vont se séparer ici.

Coïncidence, coïncidence, hein ? Mais purée, pourquoi n’est-il pas célibataire et hétérosexuel ?

— Oui. Je te souhaite un bon séjour.

— Toi aussi.

Il m’aide à porter ma valise. Nous sortons du train. Nous marchons côte à côte. On dirait des condamnés qui marchent vers l’échafaud. Nos chemins vont en effet bientôt se séparer. Sans doute pour toujours. Je suis tellement triste. Bizarrement, je ressens la même déception de son côté. Je connais Thibault depuis à peine plus de trois heures et pourtant, j’imagine que tous les deux, nous aurions pu... S’il n’avait pas été... Stop. Lâche l’affaire.

— Au fait, que viens-tu faire à Montpellier ? me demande-t-il.

Je n’ai pas le temps de répondre. La voix de mon beau-frère résonne.

— Enfin, vous voilà !

Il s’approche. Il m’embrasse. Puis, il prend Thibault dans ses bras et lui donne une tape dans le dos.

Je suis perdue. Il fait quoi, là ? Je m’apprête à lui expliquer que Thibaut ne m’accompagne pas, quand je comprends soudain.

— C’est bon, alors, vous avez fait connaissance ?

Thibault est l’ami de Max ? Nous haussons tous les deux nos sourcils. Pas pour les mêmes raisons.

— Tu es la belle-sœur de Max ?

— Tu es son témoin ?

— Oui.

— Ah zut !

— Tu peux le dire !

Il se tait et me fixe.

— Tu ne m’as pas dit...

— Je te faisais marcher, ma belle.

— Tu es sérieux ?

Je me rends compte que le mec n’a pas cessé de me mentir. Mon visage se ferme. Il s’approche.

Je suis en colère. Je le stoppe d’une main.

— Ne m’approche surtout pas.

— Je...

— Non, je ne veux rien entendre qui sorte de ta bouche.

Je me force à jouer l’indifférente. Hors de question, que je lui montre comme je suis dégoûtée.

Je me tourne vers mon futur beau-frère, l’ignorant ouvertement.

— Max, dépose-moi à mon hôtel, s’il te plaît.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Il ne comprend pas, évidemment.

— Il se passe que ton ami et moi étions côte à côte dans le TGV et qu’il m’a raconté que des bobards.

— Ah oui ? Du genre ?

— Il m’a fait croire qu’il allait voir son mec.

Max explose de rire. Moi je ne trouve pas ça drôle du tout. Mon égo en a pris un coup.

Je suis bien plus contrariée que je ne le pensais. Je ne peux m’empêcher de lui dire :

— Si je ne te plaisais pas, il suffisait de me le dire.

— Ce...

— Non, inutile.

— Thibault est très taquin, commence Max.

— Ne le défend pas, s’il te plaît.

Max se tait et lance un regard penaud à son pote. Nous voilà partis. Aucun de nous ne parle. Les deux hommes sont à l’avant. Moi je regarde le paysage pour ne pas avoir à l’affronter. Le week-end sera long.

Il me dépose enfin. L’atmosphère était pensante dans ce petit espace confiné. Thibault descend aussi.

— Moi aussi, je suis dans cet hôtel, me sort-il rapidement avant que je ne prononce un mot.

C’est bien ma veine !

— À ce soir, Max.

— À ce soir, Marie. À tout’ Thibault.

— Ouais, mec.

Il s’en va après avoir gratifié son ami d’une accolade.

Je me rue à la réception pour ne pas avoir à lui parler. Je récupère mes clés et m’en vais sans un regard pour le beau Thibault. Pourquoi avoir menti ? J’aurais mille fois préféré qu’il me dise honnêtement que je n’étais pas son genre. J’ai presque envie de pleurer.

J’envoie un SMS à ma sœur, qui est au boulot, pour lui dire que je suis bien arrivée et que je déteste Thibault. Que Max lui racontera.

Tu le détestes, hein ?

Je prends mon paquet de copie et commence à corriger. Autant trouver une activité plutôt que de cogiter.

Au bout de trois copies, une feuille pliée apparaît. Ça vient d’où, ça ? Je la déplie et lis.

« Je suis désolé de t’avoir fait marcher voire courir à certains moments. C’était un peu ma façon de me venger. Mouais, je sais c’est nul. Je suis un peu rancunier. J’espère que tu ne m’en veux pas trop ? Je suis bel et bien hétéro et célibataire. Max n’est que mon pote. Tu me plais vraiment. Si tu veux qu’on fasse plus ample connaissance voici mon numéro... »

Quelle belle calligraphie ! Il y a des petits dessins autour du texte. Un homme qui tient des fleurs et les offre à une femme. Puis, ils sont assis au restaurant, puis ils admirent un coucher de soleil. Quand est-ce qu’il a eu le temps de dessiner et d’écrire ce message ? Je ne l’ai quittée que quelques fois pour aller aux toilettes. Cet homme est extraordinaire. Hors de question que je passe à côté de ça. Je me sens subitement bête et gênée. Tant pis !

Je suis encore en colère. Le terme est sans doute trop fort. Je suis beaucoup trop vexée. Dire que je vais le revoir ce soir chez ma sœur ! Je soupire…

 

Fin

 

9 novembre 2018

Mes romans

Black Pearl: 15€ et 2,49€
Alana est une PDG hors paire. Elle exerce son travail d’une main de maître et est respectée par toute son équipe. Cependant ses formes généreuses l’empêchent d’avoir cette assurance dans ses relations avec les hommes. Surtout quand elle fait la connaissance du beau Christopher qui, lui, n’a aucun doute sur le fait qu’il plaît aux femmes...

Les lois de l’amour trilogie: 19,99 et 4,99€
Ashley est étudiante en droit. Élève brillante, elle est engagée dans le cabinet de Xavier, le seul homme qui réussit à faire battre son coeur depuis leur rencontre trois ans plus tôt. Elle sait pourtant qu’elle n’a aucune chance d’atteindre le sien, brisé depuis le décès de sa femme....

Pour l’amour de Robin : 17 et 2,99€
Cassandra tombe enceinte à 16 ans et est rejetée de tous lorsqu’elle décide de garder son bébé. Dix ans plus tard, elle est médecin et est contrainte d’embaucher le charmant et mystérieux Alan comme nounou pour son fils. La peur de faire confiance et la maladie vont s’inviter dans leur trio... Ce qui risque de bouleverser leur équilibre....

Seulement par amour thématique :
Yangping : 8€ et 2,99€
La mystérieuse Kate est, pour la première fois de sa vie, attirée par le bel architecte Ethan qui ressent la même chose qu’elle. Elle n’a qu’un mois à lui offrir et lui propose un road trip. Il abandonne tout pour la suivre. Chacun avec un objectif différent. Elle vivre une une unique belle histoire d’amour avant de retourner à sa misérable vie et lui la faire tomber amoureuse afin qu’elle ne le quitte pas. Mais cela est sans compter sur le secret de Kate...

Lizzy : 13€
Elizabeth est une jeune femme quelconque mais elle est fascinée par Josh, un ami de sa soeur. Lui, séducteur invétéré finit par s’intéresser à elle mais pour Lizzy, le sexe pour le fun n’a pas d’intérêt. Elle veut de l’amour. Josh la désire tellement qu’il accepte son pari de ne sortir avec aucune autre fille pendant un mois. Ne va-t-il pas regretter cette décision hâtive ?

Bastien : 10€ et 2,99€
A sept ans, Bastien sait déjà que Caroline est l’amour de sa vie. Ils vivent dans une maison d’accueil et il la protège jusqu’au jour où il est adopté. Malgré lui, il ne respecte pas sa promesse de venir la chercher à 18 ans, donc elle s’enfuit vers un avenir sombre...

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30 octobre 2018

Promo de fin d’année.

affiche salon fin d'annéeEnvoyez-moi un mail à lisemarcy@yahoo.fr ou laissez un commentaire en dessous du message. 

Je les ai tous en stock. Bonne lecture,bonne découverte à tous. 

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