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Romans de Lise Marcy
25 octobre 2019

Amendez-moi !

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— Je te promets que ce n’est pas ma faute, Nat.

— C’est toujours la même chose avec toi ! Tu as toujours une bonne raison. Mais putain, tu as 25 ans, quand est-ce que tu vas grandir et enfin devenir une adulte ?

Elle soupire. Sa voix a beau être faible, quand elle hurle, c’est désagréable. Je me sens nulle, rabaissée. Je ne suis qu’une abrutie ambulante...

— Je me dépêche.

— On vous attend.

Elle me raccroche au nez.

Je suis en retard, Natalie, ma grande sœur, m’en veut pour ne pas changer. Depuis ma naissance, je suis une déception pour ma famille. C’est limite si je n’aurais pas dû naitre. Ce sentiment ne me quitte jamais depuis mon enfance. Je sens la tristesse m’envahir à nouveau. Sans oublier que je ne tombe que sur des mecs chelous et...

Un klaxon me sort de ma torpeur. Oh putain, il ne manquait plus que ça !

L’homme à moto me fait de grands gestes pour que je m’arrête.

Je me gare sur le bas-côté.

— Mademoiselle, vous rouliez...

Je suis dégoutée.

— Écoutez Monsieur l’agent, je reconnais tout ce que vous avez à me reprocher, mettez-le-moi rapide !

Ses yeux bleus prennent une teinte différente et son regard devient plus doux.

— Je ne vous connais pas. Je vais me contenter de vous l’écrire si vous le permettez !

Il sourit. Je suis stupide, mais je ne comprends pas ce qu’il a dit. Il s’en rend compte à sa réplique cinglante.

— Excusez-moi, je ne savais pas que vous étiez blonde !

— Ah ah, très drôle. Ça vole haut dans la police.

Je suis clairement en colère.

— Je plaisantais. Je parlais du PV, je ne vais pas vous le mettre. Je me contenterai de vous l’écrire.

Ça fait tilt et je comprends. Je rougis. En aucun cas, mes paroles avaient une connotation sexuelle.

— Ah les hommes tous des pervers à ce que je vois !

Il relève un sourcil.

— Dans le genre cliché, on est maintenant à égalité, vous ne croyez pas ? Répliqué-je.

Il explose de rire.

J’observe ma montre. Je pose mes deux mains sur mon visage.

— Je suis déjà si en retard ! Si vous pouviez me l’écrire rapidement, s’il vous plaît !

— Et où allez-vous pour mettre votre vie ainsi en danger ?

— Je roulais à quoi 60 au lieu de 50 ? Je ne suis pas non plus un dangereux criminel !

— Non, mais la vitesse plus le téléphone, vous auriez pu percuter un piéton ou autre et là ça compte.

— Je suis désolée. Je vais chercher ma nièce à l’école et tout le monde me déteste, car je suis en retard.

— Vous n’exagérez pas un peu la situation ?

— Oh non ! soupiré-je.

— Papiers du véhicule, s’il vous plaît !

Je les sors et les lui tends. Il contrôle la voiture, les papiers et commence à écrire son PV.

Je suis dégoutée. Je n’ai déjà pas beaucoup d’argent et ces PV ne vont pas arranger l’état de mes finances.

Il me tend le PV avec un petit papier.

— Appelez-moi. Je vous paierai votre PV, si vous m’inviter à déjeuner !

Il m’offre un énorme sourire. Je me rends compte comme il est charmant.

— Quoi ?

— Allez-y, vous êtes très en retard.

Il fait un geste à son collège que je n’avais pas vu auparavant. Ce dernier se positionne et me remets dans le flux de la circulation. Ce qui me permet de gagner un temps considérable.

Pas le temps de réfléchir. Je m’engouffre et réduit ma vitesse. Je récupère Lucie avec 10 minutes de retard. C’est la dernière. Tous les autres enfants sont déjà partis.

— Je me disais bien que ce ne pouvait pas être sa mère ! J’imagine qu’elle...

— En effet ! la coupé-je sèchement.

Je ne l’aime pas trop l’institutrice de cette année.

Elle se permet toujours des réflexions. Je fais profile bas pour ma nièce et surtout pour Nat. Notre relation est déjà bien assez houleuse comme ça !

— Viens ma chérie, on y va ?

Elle me suit en silence. Elle est préoccupée.

— On va rejoindre maman ?

— Oui.

Elle monte en silence.

— Tu crois que maman...

— Tout ira bien, tu verras !

Je n’en suis pas aussi sûre que je tente de le faire paraitre. Je suis anxieuse. Nous arrivons quelques minutes plus tard.

— Enfin.

Le ton de reproche de ma mère m’horripile. Je reste muette pour ne pas envenimer la situation. Ce qui n’est pas mon genre. Ce n’est pas le moment. Tout simplement.

Tous les visages sont fermés lorsque nous entrons dans la chambre. Tout le monde me regarde avec désapprobation. Lucy court retrouver son père. J’attaque avant de leur laisser la possibilité de me fustiger.

— Wè, je sais que je suis en retard. Que voulez-vous, ce n’est pas à 25 ans que je vais changer. Je suis une perpétuelle source d’emmerdes pour vous. Dommage que je ne sois pas à ta place Nat. Je me serai laissé mourir, comme ça vous seriez tous mieux et plus heureux sans moi. D’ailleurs, je vais m’en aller. Tout le monde s’en fout de moi, de toute façon.

Je ne supporte pas de la voir. Je me tourne et pars avant que quelqu’un ne réplique.

Je cours, prends ma voiture et me dirige dans un bar. Je bois jusqu’à oublier. Puis, je monte dans ma voiture. Je ne peux pas repartir. Je m’apprête à m’allonger pour m’endormir quand je tombe sur le papier du policier. Une folie me prend. J’attrape mon portable et compose son numéro, puis trou noir.

Je me réveille. J’observe le lieu. Je suis stressée. Je ne connais pas du tout. Est-ce que quelqu’un m’a enlevée ? Est-ce que je suis au paradis ? Arrête de raconter des conneries. Je suis dans une chambre bien aménagée. Mais où suis-je ? Je quitte le lit et en ouvrant la porte, je tombe nez à nez avec une jeune femme.

— Bonjour ! me dit-elle.

Je me rappelle avoir contacté le policier d’hier. Je ne me souviens pas de son prénom qu’il a noté sur la feuille. Ce n’est pas possible. Je suis dans un mauvais rêve.

— Bonjour. Je suis désolée, bredouillé-je. Je ne savais... pas qu’il était en couple...

— Vous parlez de Flavien ?

— Euhhhh oui.

— Oh non ! Nous ne sommes pas ensemble. C’est mon frère.

Je soupire, rassurée. Elle me sourit.

Une porte s’ouvre. Et le fameux Flavien en tenue civile apparait avec un sachet de viennoiseries et du pain.

Elle attrape un croissant et nous annonce :

— Bon, je vais vous laisser. À plus tard, mon frère. Au plaisir, Alicia.

Elle connait mon prénom ? La porte claque doucement.

— Je lui ai dit votre prénom.

— D’accord.

— Vous comptez m’expliquer ? me demande-t-il.

Comment suis-je arrivée chez vous ?

— Hier soir vers 22h, vous m’avez appelé. Vous disiez que vous étiez saoule et que vous alliez dormir dans votre voiture pour ne pas avoir un autre PV. Déjà qu’avec tous vos soucis financiers, vous ne savez déjà pas comment payer celui-là. Ensuite, je n’ai rien compris d’autre en dehors du nom du bar où vous étiez. J’ai cherché l’adresse et suis venu vous chercher. Vous m’avez un peu fait flipper. Vous n’aviez même pas verrouillé les portières. Imaginez ce qui aurait pu se passer !

— Je suis désolée, me contenté-je.

Je suis morte de honte.

— Pourquoi vous êtes-vous mise dans cet état ?

— J’en avais besoin. Hier, quand j’ai récupéré ma nièce, la maîtresse m’a subtilement engueulée. Ma mère aussi à mon arrivée à l’hôpital.

— Hôpital ?

— Oui. Ma sœur, la mère de Lucy est gravement malade.

Les mots se perdent dans ma gorge sèche.

— Vous voulez boire un café ?

— Non, un chocolat, s’il vous plaît.

Il se lève et s’affaire à la tâche. Je l’observe. Il est vraiment pas mal du tout. Il est baraqué, grand blonds aux yeux bleus. Flavien est très gentil avec moi.

— Merci. Tu vis avec ta sœur ?

— On se tutoie ? se moque-t-il.

— J’ai passé la nuit chez toi, on a dépassé le stade du vouvoiement, non ?

Il sourit me dévoilant deux belles rangées de dents.

— Non, elle vit à Tours. Hier soir, elle avait un concert à l’Arena. Elle a dormi chez moi. Elle repart cet après-midi.

— Ah ok.

Il se sert un croissant et m’en propose un. J’opte pour le pain au chocolat. Il attend que je finisse avant de continuer son interrogatoire. Nous nous sommes observés sans parler. Quelques fois, les mots sont inutiles.

— Quelle est la maladie de ta sœur ? reprend-il.

— Cancer de l’utérus.

— Oh !

Il semble peiné pour moi.

— On le lui a retiré avant hier.

— Elle a combien d’enfants ?

— Un garçon de 8 mois, Edouard et Lucy qui a 8 ans.

— Quelle merde, ce microbe !

— Oui, soupiré-je.

— Je comprends mieux pourquoi tu semblais préoccupée.

— Dans ma famille, ça va plus loin. Ma sœur a toujours été la préférée. Elle, petite fille parfaite. Alors moi, j’étais le vilain petit canard. Je n’ai pas fait d’études, je sors avec des connards. Je bois et je fume.

— J’imagine que ta sœur, elle, ne fait rien de tout cela.

— Elle et Tom, son mari, sont de brillants experts comptables. Ils ont monté leur boîte à la fin de leurs études, se sont mariés et ils ont eu leurs deux enfants. Puis, la maladie leur est tombée dessus. Hier, après une énième prise de tête, je leur ai balancé que je regrettais que ce ne soit pas moi qui soit malade. Qu’ils auraient pu se débarrasser de moi.

— Je ne connais pas ta famille, mais je doute que ce soit aussi simple !

— Oh oui, tu ne les connais pas...

Il s’approche de moi et m’enlace. Je ressens comme une décharge. Je rougis. Je me rends compte que je suis en short et t-shirt. Il se repousse.

— Si tu te demandes si je t’ai vu nue… La réponse est pas encore. Je ne me serai pas permis. C’est ma sœur qui t’a changée. Rassurée ?

— Un peu.

— Tu veux que je t’amène récupérer ta voiture ?

Je n’ai pas envie de le quitter. Il le sent.

— Je te suivrai jusqu’à chez toi afin que tu puisses aller te changer. Puis, nous irons déjeuner ? Tu me dois un resto, non ?

Je souris.

— Cela me va ! Je préfère que l’on aille d’abord chez moi, puis nous récupérons ma voiture.

Nous prenons la route. Il vit dans un palace. Je dois le prévenir que moi, je suis en HLM.

— Chez moi, c’est plus modeste que chez toi.

— Et alors ? Est-ce bien grave ?

— Non. Je te préviens, c’est tout.

— D’accord.

— Tu bosses ?

— Oui. Je suis vendeuse. Toi, tu es gardien ?

— Pas exactement. Je suis lieutenant de police.

— Et tu mets des PV ?

— De temps en temps, je sors avec un gardien. J’aime bien. Ça me change du bureau.

— Ok. Il fallait que tu tombes sur moi.

— Tant mieux, non ?

— Oui. Je vais t’amener dans mon resto favori. Ça te va ?

D’après mes comptes, c’est le seul endroit où je peux l’inviter.

— Super.

Il risque d’être déçu…

En arrivant chez moi, je lui offre un café et je file me préparer. Nous repartons ensuite. Je n’ai pas vu la matinée passer. Je récupère ma Clio qui a 12 ans. Rien à voir avec son 5008 flambant neuf. Nous n’évoluons pas dans le même monde.

— Je la dépose à la maison et tu m’amènes au resto ?

— Ok.

— Je t’aurais proposé de prendre la mienne, mais je n’ai plus d’essence.

— D’accord. Ça tombe bien la mienne me permettra de t’amener où tu veux.

— Vraiment ?

— Dans la limite du raisonnable, bien sûr.

Il m’offre un clin d’œil.

 

Après plusieurs minutes où je lui explique la direction pour se rendre à mon resto préféré. Nous voilà garés. Il explose de rire.

— C’est donc ton resto préféré ?

— Bien oui. Je ne peux pas me payer de grands restos, moi, Monsieur.

— Donc tu comptes m’inviter à MacDo pour que je te paye ton amende ?

— Le deal c’était de t’offrir un resto ! Donc oui.

— Ok.

— On y va ? dis-je triomphante.

— Allons-y !

À la borne, je commande pour moi, puis, lui laisse la place. Il semble sérieux. Quand il finit, il me cède la place pour que je paye.

Quoi ? Il se fout de moi ?

— Quoi ? Ça ne me nourrit pas MacDo. Je ne prends pas moins de deux menus quand j’y vais.

— Deux menus signatures, un MacFlury et un café long ?

— Bien ouais !

— Ok !

Je glisse ma carte bleue électron à l’emplacement prévu. Je ne suis même pas sûre qu’elle passera. Je commence une prière silencieuse. Il pose sa main sur la mienne et m’arrête.

— Le deal est annulé !

— Quoi ?

— Je ne peux pas te laisser payer. Ne t’en fais pas pour le PV, je ne l’ai pas validé. Je l’ai même annulé. Je ne te connaissais pas, mais je savais que quelque chose clochait. Mon instinct ne m’a pas trompé. Et là, je sens encore que tu stresses. Tu m’inviteras dès que tu te sentiras plus à l’aise financièrement. Qu’en penses-tu ?

Cet homme est parfait.

— Je suis gênée.

— Ne le sois pas avec moi. Tu me plais vraiment.

— À moi aussi. Enfin, avec toutes les casseroles que je me traîne, tu vas vite fuir.

Il m’offre un sourire franc.

— Tu es encourageante, à ce que je vois !

Je rigole.

— Pourquoi tu étais en retard, hier ?

— J’ai accepté des heures supplémentaires. J’essaie de passer du temps avec mes neveux. Du coup, j’ai pris trop de congés. Je n’ai plus d’heures. Les congés sans soldes, ça fait mal. J’ai épuisé mon quota. Si j’avais su...

— Comment aurais-tu pu le prévoir ?

— Oui.

— J’imagine que ta sœur n’est pas au courant ?

— Non.

Nous déjeunons. Il me parle de sa famille à Tours. Moi, de la mienne.

— Tu veux que je t’accompagne à l’hôpital.

— Vraiment, tu veux ?

— Oui.

— Merci, soufflé-je.

Une demi-heure plus tard, nous arrivons devant la chambre de Nathalie.

— Si tu comptes à nouveau nous faire ta crise d’ado, tu peux repartir, me balance ma mère sans un bonjour.

— Madame, vous pourriez laisser votre fille s’expliquer avant de l’agresser.

La voix de Flavien est ferme bien que calme.

Elle remarque enfin sa présence.

— S’expliquer ? Et vous êtes qui ? Un autre de ses junky ?

— Vous avez une si piètre opinion de votre fille que c’est tout ce que vous lui souhaitez ?

— Ce n’est pas grave Flavien. Allons-nous-en !

— Non, hurle une petite voix faible.

Nous nous retournons tous.

— Maman, Alicia a raison. Tu as toujours montré que tu étais fière de moi. Jamais d’elle.

— Comment l’être ?

Je déglutis.

— Tu peux être certaine, Lili que ni maman, ni moi n’aurions souhaité que tu sois à ma place. Aucun parent ne peut espérer cela pour ses enfants. Maman t’aime, même si elle ne sait pas te le montrer. Tu as fait pas mal de conneries certes et elle s’est blasée. Mais tu l’as touchée hier. Elle a pleuré quand tu es partie. Et puis, tu n’as pas eu d’enfants. Je refuse de perdre ma sœur avant qu’elle ne me donne des neveux et des nièces. Et t’en fais pas, je vais me battre. Il est hors de question que je me laisse aller. Je vais combattre ce monstre qui tente de me ronger. Viens.

Elle me prend dans ses bras. Elle ouvre ses bras pour que notre mère nous rejoigne.

Elle nous embrasse les cheveux à chacune.

— Je vous aime plus que tout, mes bébés. Même si tu m’en as fait baver Alicia. Alors ôte-toi ces idées stupides de la tête, tu m’entends ?

— Oui, maman.

— Tu vas nous présenter ton ami ? Il doit vraiment t’aimer pour te défendre ainsi, me questionne Nat.

Je tourne la tête et nos yeux se mêlent. Y’a vraiment un truc entre nous. Y’a pas à dire.

— Je vous présente Flavien. Il est lieutenant de police. On s’est rencontrés hier. Il m’a mis un PV parce que je roulais trop vite et que je te parlais en conduisant.

Ma mère et Nat passent leurs yeux de lui et moi. Elles essaient de sonder si je plaisante ou si je dis la vérité.

— Alicia ne vous a pas menti. Elle est un vrai rayon de soleil. Je n’ai pas pu résister à son charme. J’espère qu’entre nous, ça marchera.

— Nous aussi, répondent-elles en cœur.

On ne sait jamais de quoi demain sera fait. Pour autant, j’ai un bon feeling face à l’avenir. Il semble bien plus gai que mon passé...

 

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Commentaires
F
J'ai apprécié le rythme et l'enchaînement des événements tant pour le personnage principal que pour l'intrigue elle même. <br /> <br /> On a le sentiment qu'au début l'histoire sera dramatique mais rapidement on bascule dans le romantisme et c'est ce qui me plaît. <br /> <br /> Je reste sur ma faim, c'était trop court. <br /> <br /> Si il y a une suite, on souhaite que l'histoire reste idyllique mais est ce que c'est ce qui est prévu ?<br /> <br /> J'attends patiemment la suite.....
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